1 Si la fiction contemporaine se laisse difficilement rĂ©duire Ă un seul paradigme, une rĂ©surgence attestĂ©e du mimĂ©tique, que ce soit en rĂ©gime autobiographique ou narratif, inflĂ©chit nĂ©anmoins le rapport du littĂ©raire au rĂ©el. Bon nombre de ces romans reconduisent sans complexe l'illusion romanesque, illusion dirait Henri Godard qui donne une prĂ©sence dans notre imagination Ă un monde qui imite notre monde sans se confondre avec lui » Godard, 2006 11. D'autres romans, ceux qui m'intĂ©ressent, revoient l'hĂ©ritage rĂ©aliste par le biais du paradoxe â du moins est-ce lĂ l'hypothĂšse Ă l'origine de ma rĂ©flexion â, oĂč il s'agit de reconduire la dimension mimĂ©tique du racontĂ© tout en tissant, en parallĂšle, sa dĂ©construction par des accrocs plus ou moins accusĂ©s Ă la vraisemblance. Ou, pour le dire autrement, d'instaurer une tension savamment entretenue entre l'illusion romanesque et sa dĂ©nonciation, l'exemple le plus probant de ces derniĂšres annĂ©es Ă©tant Histoire de Pi de Yann Martel 2002 qui rĂ©ussit Ă faire croire Ă cette odyssĂ©e d'un jeune homme en canot de sauvetage en compagnie d'un grand fauve, alors mĂȘme que ses interlocuteurs la mettent expressĂ©ment en doute. 2Je porterai Ă votre attention aujourd'hui deux fictions savantes qui exploitent deux axes de crĂ©dibilitĂ©, l'un contestant l'existence de Dieu alors que l'autre voudrait convaincre de l'existence du diable. Les jeux d'Ă©rudition autour d'un abbĂ© de l'an mil dans Si Dieu existe d'Alain Nadaud 2007, comme la structuration intertextuelle spĂ©culaire de Un homme dĂ©fait de Roger Magini 1995, permettent de dĂ©ployer tout un ensemble de stratĂ©gies autour de manuscrits anciens au statut ambigu qui prennent valeur d'artefact et viennent en quelque sorte authentifier la fiction. Encore renforcĂ©e, dans les deux cas, par la mise en scĂšne d'un Ă©crivain qu'on voit Ă©voluer dans son milieu, par la description prĂ©cise de lieux rĂ©els, par une intrigue plus ou moins foisonnante mais qui sollicite des schĂ©mas convenus â la liaison amoureuse, le dĂ©roulement chronologique, etc. â, l'illusion mimĂ©tique opĂšre pourtant Ă l'inverse lĂ oĂč Si Dieu existe sollicite constamment un vraisemblable gĂ©nĂ©rique pour la conforter, Un homme dĂ©fait n'a de cesse d'interroger le clivage entre la rĂ©alitĂ© et la fiction pour accrĂ©diter l'invraisemblable diĂ©gĂ©tique. 3On fait souvent de la fiction lettrĂ©e, celle qui sâĂ©crit Ă partir de la bibliothĂšque, le parangon dâune littĂ©rature postmoderne, Ă©mancipĂ©e dâune textualitĂ© intransitive et qui redĂ©couvre lâemportement narratif, comme lâaffirme Bruno Blanckeman qui note une attraction pour des illusions romanesques filtrĂ©es par une double mĂ©moire celle des modĂšles de fiction classiques dont se maintiennent les traditions [âŠ] ; celle de la distanciation spĂ©culaire, gĂ©nĂ©ralisĂ©e par une littĂ©rature moderne dont sont dĂ©noncĂ©es les apories mais assumĂ©s les acquis » Blanckeman, 2008 432. Il faut bien voir cependant que cette fascination du dĂ©jĂ -lĂ dĂ©passe le strict recyclage de formes et relĂšve tout autant dâun imaginaire de la trace authentique » Huglo, 2007 7 caractĂ©ristique de notre temps, qui cherche Ă rĂ©actualiser le passĂ©. Marielle MacĂ©, dans cette perspective, lie ce recours Ă la trace Ă une crise de lâintrigue Bien des proses contemporaines se nourrissent [âŠ] dâune culture considĂ©rĂ©e comme trĂ©sor collectif et espace de rĂȘverie Ă©rudite, câest-Ă -dire dâun imaginaire » de lâarchive plutĂŽt que dâarchives proprement dites langages rares, divertissements philologiques, objets vieillis, goĂ»t des documents dans leurs aspects les plus matĂ©riels reliques, photographies, papiers divers, etc., voluptĂ© de lâantique », comme disait Leiris, associent les livres brefs de Pascal Guignard, GĂ©rard MacĂ©, Pierre Michon notamment. Ces proses construisent autant de musĂ©es imaginaires, dâespaces synchroniques oĂč les objets trouvĂ©s voisinent comme dans un cabinet de curiositĂ©s MacĂ©, 2007 47. 4En marge de cet espace littĂ©raire qui se met en scĂšne dans une quĂȘte mĂ©morielle, mais redevables tout autant dâune pareille fascination du manuscrit â quâil soit inventĂ© ou réécrit â, les fictions de Nadaud et de Magini jouent dâune double posture qui rĂ©actualise le document sans rien sacrifier de la dynamique narrative et le fictionnalise par le jeu spĂ©culaire. Cette tension, au cĆur du procĂšs mimĂ©tique engagĂ©, met ainsi en relief, pour mieux les dĂ©construire, les procĂ©dĂ©s du vraisemblable. Un manuscrit inventĂ© Si Dieu existe d'Alain Nadaud 5Ce plus rĂ©cent roman de Nadaud, son douziĂšme, s'inscrit dans le droit fil d'une dĂ©marche cohĂ©rente, menĂ©e depuis les annĂ©es 1980, et qui explore de maniĂšre systĂ©matique les Ă©crits fondateurs de l'humanisme occidental pour en tirer des fictions irrĂ©sistibles de finesse et de sapience, mais rĂ©solument accessibles en vertu d'un art narratif rompu aux codes du prĂ©sent. Dans un article intitulĂ© Alain Nadaud voyage au centre de l'Ă©criture, l'Ă©criture au centre du voyage », Rosa Galli Pellegrini montre bien que l'ensemble de l'Ćuvre de Nadaud relĂšve d'une interrogation sans cesse relancĂ©e du patrimoine documentaire Il s'agit d'une rĂ©flexion constante sur l'Ă©laboration de la mĂ©moire historique Ă partir de documents, annales, chroniques et tĂ©moignages des contemporains tel est le matĂ©riau que l'auteur reproduit, cherchant des rĂ©fĂ©rences historiques vraisemblables, dans un foisonnement incessant de pastiches documentaires. L'auteur se prĂ©vaut d'une ample connaissance de la littĂ©rature philosophique et historique, qui le porte surtout Ă se mouvoir dans la pensĂ©e des prĂ©socratiques et dans l'historiographie post hellĂ©nique, qui lui permet de crĂ©er des fictions et des piĂšces Ă l'appui tout Ă fait acceptables. L'Ă©rudition devient ainsi un Ă©lĂ©ment principal de l'Ćuvre, quasiment un personnage Pellegrini, 2005. 6 Si Dieu existe relĂšve d'une pareille exigence, Ă la diffĂ©rence prĂšs qu'il s'agit ici de reprendre tout un pan de la tradition thĂ©ologique1. PrĂ©sentĂ© sous la forme d'une vie de Saint Anselme racontĂ©e par un de ses disciples prĂ©fĂ©rĂ©s, le texte, qui s'apparente Ă un codex mĂ©diĂ©val en huit livres », s'ouvre sur un avertissement, placĂ© en Ă©pigraphe Cette Vita Anselmi a Ă©tĂ© Ă©crite par Clermont de Chartrette. Qui cachera ce livre, le dĂ©truira ou effacera cette indication, qu'il soit anathĂšme, /amen » Nadaud, 20072. Un savant dosage de faits historiques attestĂ©s vient colorer la fiction Anselme Aoste, futur archevĂȘque de CantorbĂ©ry, a bel et bien Ă©tĂ© Ă la tĂȘte de l'Abbaye du Bec, en Normandie ; toute son Ćuvre thĂ©ologique cherche Ă fonder rationnellement la foi chrĂ©tienne, notamment en formulant plusieurs preuves de l'existence de Dieu. Son ouvrage majeur, le Proslogion, sert Ă rĂ©futer le moine Gaunilon, qui considĂ©rait que l'existence de Dieu Ă©tait indĂ©montrable. Une Vie de Saint Anselme, signĂ©e par le moine Eadmer, existe aussi bel et bien elle a Ă©tĂ© publiĂ©e en 1994 aux Ăditions du Cerf3. Tous ces Ă©lĂ©ments sont dĂ©veloppĂ©s par l'anecdote, qui recrĂ©e l'atmosphĂšre du monastĂšre du Bec et de son scriptorium, avant le dĂ©part d'Anselme Ă CantorbĂ©ry, lequel est accompagnĂ© dudit Eadmer, lui-mĂȘme rival du fictif Clermont de Chartrette, qui prĂ©cise Tu constateras, lecteur, si jamais tu as sous les yeux la Vita Anselmi que rĂ©digea Eadmer, qu'il y a grande diffĂ©rence avec celle que tu t'apprĂȘtes Ă parcourir. La sienne en est la version officielle, sainte et imagĂ©e, pleine de dĂ©votion, de propos Ă©difiants et billevesĂ©es. Elle est truffĂ©e de ces miracles dont il prĂ©tend avoir Ă©tĂ© le tĂ©moin, alors que pour se rengorger il nous abuse. [âŠ] La biographie d'Eadmer Ă©tant, sous ce rapport, une malfaçon, il est de mon devoir de ne pas renoncer Ă y faire contrepoids SDE 13-14. 7Lâinterpellation du lecteur vient encore renforcer lâillusion du rĂ©el en proposant un pacte Ă©nonciatif plausible Clermont de Chartrette lui-mĂȘme insiste sur la distance qui sĂ©pare son texte de celui dâEadmer â attestant du coup lâexistence rĂ©elle de la Vie de Saint Anselme rĂ©digĂ©e par ce dernier â, et incite son lecteur Ă juger de lâĂ©cart. Ce faisant, il dĂ©porte la question de lâauthenticitĂ©, le texte historique devenant une pure fiction, entachĂ©e par le recours au registre hagiographique, alors que sa propre Vita Anselmi prend des accents, sinon de vĂ©ritĂ© du moins de fiction vraisemblable, prĂ©cisĂ©ment par son ambition affichĂ©e de rĂ©tablir les faits. Cette posture Ă©nonciative mimĂ©tique se voit encore renforcĂ©e par deux traits la prĂ©sence dâun Ă©diteur » qui agit en quelque sorte comme une caution externe, et le registre autobiographique du narrateur qui vient fragiliser lâauthenticitĂ© de la fiction biographique dâEadmer, en faisant de Chartrette un tĂ©moin privilĂ©giĂ© de la vie dâAnselme en mĂȘme temps quâune victime dudit Eadmer, qui aurait tentĂ© de lui voler ses Ă©crits et de le discrĂ©diter auprĂšs de ses pairs. Cette imbrication des Ă©critures du bios, oĂč lâon atteste la valeur de la biographie par une inscription autobiographique, induit certes un brouillage de la frontiĂšre qui partage le rĂ©el de la fiction ; elle vient en outre, et de maniĂšre paradoxale, attester de la valeur de vĂ©ritĂ© de la Vita Anselmi du narrateur. Le fictif devient ainsi plus rĂ©el que le vrai. 8Ă cet Ă©ventail de stratĂ©gies qui accrĂ©ditent la fiction vient sâajouter une panoplie de procĂ©dĂ©s qui indexent le pastiche tout en le dĂ©nonçant de maniĂšre subtile. Un appareil de notes, parfois signĂ©es de l'Ă©diteur, vient Ă l'occasion prĂ©ciser une rĂ©fĂ©rence SDE 122, 134,147, 158, 182 ou signaler la postĂ©ritĂ© de l'argument ontologique d'Anselme SDE 18, confortant ainsi la part factuelle du rĂ©cit alors que d'autres notes reconduisent, Ă l'inverse mais en usant des mĂȘmes codes, l'existence inventĂ©e » du manuscrit de Clermont, en le situant parmi d'autres de ses Ă©crits, tout aussi fictifs il va sans dire SDE 144, ou en montrant la distance qu'il prend en regard du texte d'Eadmer SDE 230. 9Une pratique paratextuelle intitule systĂ©matiquement en italiques les segments narratifs sur le modĂšle des textes de l'Ă©poque, par exemple De l'animositĂ© qu'Eadmer voua Ă Clermont et de l'ignominie qui s'ensuivit » SDE 211, ou Abandonnant toute prĂ©vention, Anselme passe Ă l'acte » SDE 147, ou encore Des effets dĂ©lĂ©tĂšres que provoque l'existence de la pensĂ©e sur des esprits mal prĂ©parĂ©s » SDE 98. De tels intertitres, souvent ironiques, auraient pu laisser soupçonner l'existence d'un Ă©diteur qui serait intervenu sur le manuscrit et en aurait confirmĂ©, en quelque sorte in absentia, l'existence ; cet Ă©diteur, encore perceptible par les mentions rĂ©currentes, en dĂ©but et en fin de chapitre â Ici commence le livre premier » SDE 21 et Ici s'achĂšve le livre huitiĂšme » SDE 231 â, ne fait toutefois que reprendre des pĂ©riphrases du texte mĂȘme de Clermont ; au final, cette stratĂ©gie d'attestation se voit encore contrecarrĂ©e par le titre du roman, Si Dieu existe, alors qu'en principe nous lisons la Vita Anselmi de Chartrette. 10Enfin, un jeu de rĂ©fĂ©rences croisĂ©es, en latin et en français, vient renforcer le caractĂšre vraisemblable dudit manuscrit, tout en le minant par l'imbrication, encore une fois, du vrai et de l'inventĂ©. PersillĂ© d'expressions latines â les terreurs annoncĂ©es du millesimus annus SDE 21, la rĂšgle bĂ©nĂ©dictine ora et labora SDE 47, le clocher juxta moren prioris SDE 64 â ou de descriptions prĂ©cises de lieux ou d'activitĂ©s la salle capitulaire, le scriptorium, les codex cousus avec des fils tressĂ©s et recouverts de robustes couvertures en peau de cerf [SDE 190], le texte incarne littĂ©ralement l'atmosphĂšre de l'abbaye. Toutefois, le fameux et bien rĂ©el Proslogion d'Anselme, qui circula anonymement, d'abord intitulĂ© Fides quaerens intellectum [âŠ] puis, Ă partir de 1083, sous le titre Alloquium de ratione fidei, et enfin sous celui, dĂ©finitif, de Proslogion » SDE 158, cĂŽtoie un ouvrage inventĂ© intitulĂ© Sur la chute du diable, qu'il aurait rĂ©digĂ© car il croyait avoir Ă©tĂ© jouĂ© par Cadule » SDE 144, personnage de la fiction. 11Mais c'est sans conteste par le biais de l'anecdote que prend vĂ©ritablement corps l'Ă©rudition au-delĂ des allusions aux dĂ©bats philosophiques du Moyen-Ăge, au-delĂ des renvois aux dignitaires de l'Ă©poque, de Lanfranc Ă Becket, de Guillaume le Roux au chevalier Herluin, fondateur de l'Abbaye, l'histoire personnelle du fictif Clermont de Chartrette vient prendre Ă rebours l'autoritĂ©4 de la preuve ontologique d'Anselme. Ce moine orphelin, malgrĂ© son impiĂ©tĂ© avouĂ©e, deviendra le confident d'Anselme, qui cherchera Ă le convaincre de l'existence de Dieu par une preuve rationnelle ; mĂ©crĂ©ant et portĂ© Ă la luxure, il ira jusqu'Ă tuer ses tuteurs Cadule et Doremer, qui l'ont surpris en pleine activitĂ© de fornication amoureuse, actualisant ainsi une inversion de la pensĂ©e d'Anselme, qui consiste Ă considĂ©rer l'existence comme une propriĂ©tĂ© des objets ». Ainsi Ă©crira-t-il, en conclusion Cet ouvrage, Ă l'instant oĂč j'en rabats les ferrures, voilĂ que j'ai conscience [âŠ] que l'acte d'Ă©crire m'a ainsi donnĂ© corps, souffle, Ă©paisseur, et par consĂ©quent, Ă moi aussi une existence, dont au dĂ©part je n'Ă©tais pas si assurĂ© ; [âŠ] que grĂące Ă ce livre, [âŠ] je me retrouve avoir une rĂ©alitĂ©, qui n'est pas que passagĂšre ou fictive puisqu'elle s'est incarnĂ©e dans ces feuillets, grĂące Ă la preuve qu'ils apportent tant que cet opuscule sera lu, de mon existence nul non plus ne peut douter SDE 240. 12Lâironie se fait ici singuliĂšrement mordante. Ce pauvre moine de lâan mil, appliquĂ© sans succĂšs avec Anselme Ă restituer la fulgurance de la Parousie » SDE 138, aura du moins rĂ©ussi, strictement par lâĂ©criture, Ă sâincarner. LâautoreprĂ©sentation vient convaincre le personnage de sa propre existence et le dĂ©calque de lâarchive qui le fait advenir ne peut, Ă ce titre, ĂȘtre mis en doute. En affirmant de la sorte son statut de personnage de papier, le narrateur dĂ©construit lâĂ©difice mimĂ©tique quâil avait patiemment Ă©rigĂ© en reproduisant les codes discursifs et les conventions gĂ©nĂ©riques de lâĂ©poque, mais il renforce, ce faisant, son propos philosophique. L'enjeu de l'Ă©criture de Nadaud, semble-t-il, est de saturer cet Ă©cart qui va de l'imagination Ă la fiction, pour reprendre les termes de Jean-Marie Schaeffer, par le biais de la feintise ludique, qui double le rĂŽle cognitif de la reprĂ©sentation d'une fonction pragmatique Si la fiction implique une feintise ludique, [dit Schaeffer] [âŠ], le but du processus fictionnel ne rĂ©side cependant pas dans la feintise en tant que telle, dans l'imitation-semblant, mais dans ce Ă quoi elle nous donne accĂšs » Schaeffer, 2002. Le pastiche, ici, sert un argumentaire Ă somme nulle l'existence de Dieu, tout comme l'existence d'un pauvre moinillon abandonnĂ© par son maĂźtre, pillĂ©, humiliĂ© et meurtri par son rival, chassĂ© du cloĂźtre par ses frĂšres » SDE 240, ne peut s'affranchir de l'autoritĂ© des textes » SDE 237, qu'ils soient sacrĂ©s ou non. En dehors de l'Ă©criture, ni l'un ni l'autre n'ont d'existence. Un manuscrit réécrit Un homme dĂ©fait de Roger Magini 13 Si Dieu existe de Nadaud excelle au jeu du vraisemblable gĂ©nĂ©rique par un florilĂšge de stratĂ©gies qui en reconduisent l'ambition mimĂ©tique tout en l'inflĂ©chissant de maniĂšre subtile ; le roman de Roger Magini, Un homme dĂ©fait, entend plutĂŽt convaincre de l'existence du diable et joue ouvertement sur l'axe de l'invraisemblable diĂ©gĂ©tique. Au cĆur du propos, un manuscrit qu'un Ă©nigmatique Abbad Schatan s'approprie et transmet Ă des auteurs cĂ©lĂšbres â Borges, Sabato, Echo, etc. â, qui se voient ensuite condamnĂ©s Ă devenir aveugles et Ă tout reprendre, tout redire, d'une maniĂšre diffĂ©rente » Magini, 1995 1875. 14L'intrigue est foisonnante et prolifĂšre au grĂ© d'une structuration en miroir. Une premiĂšre partie, en six chapitres numĂ©rotĂ©s, instaure le cadre narratif rĂ©aliste alors que Charley Melrose, journaliste montrĂ©alaise Ă la pige qui prĂ©pare une sĂ©rie d'articles devant porter sur la vie d'un grand Ă©crivain, qu'elle intitulera MĆurs et coutumes d'une espĂšce originale scriba vulgarum HF 66, rencontre Ă plusieurs reprises Ă©crivain pour le moment en panne d'inspiration. Elle Ă©crit donc un texte sur ce lui-mĂȘme en train d'Ă©crire un roman mettant en scĂšne un personnage nommĂ© Vittorio Grisi HF 49 Je compris enfin, dira la narratrice, pour quelle raison pouvait croire Ă ses histoires elles devenaient rĂ©elles parce qu'il les organisait selon les lois du rĂ©el⊠» HF 53. Melrose et fument les mĂȘmes cigarettes, boivent le mĂȘme Jack Daniel's ; ils partageront une nuit d'Ă©mois sexuels, ils iront ensemble passer quelques jours dans les Adirondaks, ou encore Ă un cocktail organisĂ© par un richissime Ă©diteur. Et ils lisent les mĂȘmes livres Renaissance noire de Miklos Szentkuthy, le cĂ©lĂšbre Ă©crivain hongrois6, et la trilogie d'Ernesto Sabato â Le tunnel, Alejandra, qui contient le Rapport des aveugles », et L'ange des tĂ©nĂšbres. Je ne relĂšverai pas en dĂ©tail le substrat littĂ©raire qui nourrit lâanecdote ; je distingue ici strictement quelques-uns des Ă©lĂ©ments qui structurent la seconde partie du texte, intitulĂ©e Sans titre. 15Ce Sans titre s'avĂšre, dans les faits, un manuscrit en trois chapitres signĂ© et adressĂ© Ă la journaliste dans une grande enveloppe brune » HF 101. Il s'agit d'une histoire Ă©chevelĂ©e, absolument invraisemblable, oĂč relate sa relation avec Abbad Schatan, mystĂ©rieux antiquaire d'origine libanaise, libraire et Ă©diteur, qui lui propose d'Ă©crire, moyennant rĂ©munĂ©ration, un livre sur le monde des tĂ©nĂšbres HF 105. vulgaire gribouilleur » HF 44, va l'Ă©crire, rĂ©fugiĂ© au chalet des Adirondacks, et devenir, selon les termes du pacte, aveugle Finalement â je ne sus jamais si c'Ă©tait le jour ou la nuit â je dĂ©posai calmement ma plume. On n'imaginera jamais assez combien je fus heureux ou, peut-ĂȘtre, si le mot est trop fort, comment je me retrouvai dans cet Ă©tat, presque indĂ©finissable, proche de la fĂ©licitĂ©, qui me fit entrevoir que les mots avec lesquels j'avais Ă©crit et dans lesquels je m'Ă©tais reconnu avaient cessĂ© d'exister. / Le moment tĂ©nĂ©breux Ă©tait donc arrivĂ©. J'y Ă©tais enfin parvenu, envers tout et malgrĂ© tout⊠â les signes n'avaient pas menti. Alors la nuit m'envahit parfaitement et le silence devint insupportable HF 198-199. 16L'histoire du monde des tĂ©nĂšbres Ă©crite par enchevĂȘtre l'univers rĂ©aliste du texte7 et le monde fantasmagorique de Sabato et Borges en une sorte de polar Ă©rudit façon Umberto Eco, oĂč une mystĂ©rieuse comtesse aveugle nommĂ©e Nastassia Rakosy â ou n'Ă©tait-ce pas plutĂŽt Nastassia Cazador ? â meurt dans un accident Ă©nigmatique maquillĂ© en suicide en se jetant sous les roues d'une voiture. En une suite de coĂŻncidences inouĂŻes HF 184, cette Nastassia, fille d'un comte serbe ruinĂ© et d'une croate marquise vĂ©rolĂ©e » HF 132, adoptĂ©e Ă la mort de ses parents par un douanier amĂ©ricain qui avait aussi recueilli Vittorio Grizi le personnage du roman abandonnĂ© de â HF 138, deviendra la secrĂ©taire de Borges, Ă qui elle dĂ©robera son manuscrit de El libro de arena et sa correspondance avec le poĂšte aveugle Robert Graves, pour les revendre, avec l'original de la Lettre sur les Aveugles Ă l'usage de ceux qui voient de Diderot de 1749 et le manuscrit de Paradis perdu de John Milton que le poĂšte aveugle dicta Ă une de ses filles en 1667 » HF 153, pour les revendre, donc, Ă Abbad Schatan8. Au moment de son dĂ©cĂšs, ladite Nastassia projetait d'assassiner Ernesto Sabato, venu Ă MontrĂ©al pour une confĂ©rence, et d'ainsi venger Maria Iribarne Hunter » HF 154, personnage du roman Le Tunnel de Sabato. Ouf ! 17Ces pĂ©ripĂ©ties enchaĂźnĂ©es â et bien d'autres passĂ©es ici sous silence â, par leur caractĂšre rĂ©solument invraisemblable, semblent Ă©loigner Un homme dĂ©fait de toute prĂ©tention mimĂ©tique. Pourtant, deux Ă©lĂ©ments majeurs viennent motiver ce rĂ©cit, dirait Genette, et en assurer l'alibi causaliste » Genette, 1969 979. Sur le plan diĂ©gĂ©tique, tous les Ă©vĂ©nements sont ramenĂ©s Ă la figure d'Abbad Schatan, qui gĂšre le jeu et tire les ficelles, qu'il soit Ă Buenos Aires, rue Notre-Dame Ă MontrĂ©al ou Ă Beyrouth la cohĂ©rence de lâintrigue est ainsi assurĂ©e puisque chacun des scĂ©narios exploitĂ©s peut sâarrimer Ă une figure forte, Ă lâorigine de tous les dĂ©bordements. Mais c'est sans doute par la rĂ©flexion sur la rĂ©alitĂ© et la fiction qui revient en leitmotiv dans le discours du texte que s'opĂšre la motivation ; cette rĂ©flexion joue le mĂȘme rĂŽle que les thĂ©ories dans la fiction balzacienne, mis au jour par Genette Balzac, on le sait, a des thĂ©ories sur tout », mais ces thĂ©ories ne sont pas lĂ pour le seul plaisir de thĂ©oriser, elles sont d'abord au service du rĂ©cit elles lui servent Ă chaque instant de caution, de justification, de captatio benevolentiae, elles bouchent toutes ses fissures, elles balisent tous ses carrefours Genette, 1969 81. 18De fait, le rĂ©cit insiste constamment sur le peu de crĂ©dibilitĂ© des personnages dont on fait valoir le caractĂšre louche ou Ă©quivoque, comme il met de lâavant lâĂ©trangetĂ© des Ă©vĂ©nements relatĂ©s et lâaspect surprenant des dĂ©nouements. Ce faisant, il donne un poids supplĂ©mentaire de rĂ©alitĂ© Ă des incongruitĂ©s quâon ne peut justifier autrement que par lâexistence dâune conspiration qui traverse les Ăąges et les civilisations. Le scepticisme et la suspicion, rĂ©itĂ©rĂ©s Ă chaque dĂ©tour, attestent paradoxalement lâimprobable. En faisant du monde des livres un monde de tĂ©nĂšbres rĂ©gi par Abbad Schatan oĂč la rĂ©alitĂ© dĂ©passe l'entendement HF 180, 201, Un homme dĂ©fait montre que la littĂ©rature est une machination diabolique, un systĂšme parallĂšle » HF 112 menĂ© par des forces extĂ©rieures [qui] agissent sournoisement pour semer la confusion, l'entretenir et faire en sorte que des destins, si Ă©loignĂ©s soient-ils l'un de l'autre, se rejoignent Ă un moment donnĂ©, prĂ©visible » HF 130. 19Ces propositions mĂ©tadiscursives servent Ă dĂ©jouer la machination mais contribuent tout autant Ă la relancer. JumelĂ©es Ă la structure Ă©nonciative, qui emboĂźte les rĂ©cits, elles prennent figure de caution et permettent, paradoxalement, d'authentifier la rĂ©alitĂ© de la fiction. Tout comme Melrose, en premiĂšre partie, se fait garante de l'existence de celui-ci, dans son manuscrit, en reproduisant entre guillemets les rĂ©cits des autres protagonistes, reconduit en quelque sorte leur statut rĂ©aliste Bellaspina, le peintre italien, raconte comment la belle aveugle â Nastassia â s'Ă©tait proposĂ©e Ă lui comme modĂšle HF 124-130 ; un article de journal relate la biographie hongroise de la belle tout comme les circonstances de sa mort ; Abbad Schatan lui-mĂȘme rĂ©vĂšle les larcins de Nastassia, tout comme il avoue qu'elle est morte sous les roues de la voiture de son assistant Abel Coleman typographe10 ; Roberto Echo, sĂ©mioticien de son Ă©tat, explique comment un señor Abbadon, rencontrĂ© en Argentine, lui a proposĂ© d'Ă©changer le manuscrit du deuxiĂšme livre de la PoĂ©tique d'Aristote contre l'inĂ©dit de Borges HF 173-188. Ces rĂ©cits croisĂ©s attestent encore de la circulation de trois documents â le manuscrit de Borges El libro de arena et deux incunables dĂ©robĂ©s Ă la BibliothĂšque de France, le Speculum Historiale de Vincent de Beauvais, par Jean Hautfuney, Ă©crit sous la protection de Jean XXII en 1323, et l'Appendice Ă la SuprĂȘme Apocalypse de Jorge de Silos, par l'ineffable Sado de Klem datant de 132011. Tous les fils sont attachĂ©s et n'a plus le choix en recevant ces documents, il devra reprendre le flambeau » et Ă©crire Ă son tour selon l'injonction non signĂ©e transmise avec les documents Tout Ă reprendre. Tout Ă redire » HF 167. Cette intrigue enlevante, dont chacun des Ă©lĂ©ments est confirmĂ© â ou infirmĂ© â par des sources diffĂ©rentes, sollicite ainsi une vraisemblance pragmatique, dirait CĂ©cile Cavillac 199512, qui vient justifier la performance narrative en prĂ©cisant les circonstances de l'Ă©nonciation. La scĂ©nographie Ă©nonciative globale vient encore conforter le tout, alors que Melrose, aprĂšs avoir lu le manuscrit de dĂ©cide, en Ă©pilogue, de le ranger dans un endroit sĂ»r, Ă l'abri de la convoitise des voleurs et des fanatiques de toutes les couleurs » HF 201. 20La cohĂ©rence de la narration vient en outre neutraliser tous les effets de lâinvraisemblable et accentuer lâillusion mimĂ©tique, prĂ©cisĂ©ment par lâindexation constante des correspondances inĂ©dites, des coĂŻncidences inouĂŻes, des hasards inexplicables qui ne peuvent quâaccrĂ©diter, de maniĂšre paradoxale, lâexistence dâune machination. LâĂ©rudition, figurĂ©e et thĂ©matisĂ©e par le vol de manuscrits, en est le rouage essentiel lâimaginaire de la trace qui prĂ©side au rĂ©cit, encore dĂ©doublĂ© par la mise Ă lâabri du propre manuscrit de sous-tend la mise en intrigue dâune mĂ©moire de la littĂ©rature, nullement figĂ©e dans la bibliothĂšque, redynamisĂ©e par son inscription dans une histoire invraisemblable mais plausible, puisque construite Ă mĂȘme des schĂ©mas aisĂ©ment identifiables, et qui incarne, littĂ©ralement, la conception contemporaine de la littĂ©rature. Un homme dĂ©fait peut ainsi se lire comme une allĂ©gorie de l'intertextualitĂ©, une vĂ©ritable machination tĂ©nĂ©breuse qui dĂ©possĂšde les livres et leurs auteurs, les premiers destinĂ©s Ă la cuve oĂč le pilon les broie » HF 164, et les seconds emportĂ©s dans une spirale d'oĂč ils ne s'Ă©chapperaient jamais » HF 164, prenant conscience que les livres qu'ils avaient Ă©crits n'Ă©taient pas les leurs, qu'ils s'Ă©taient appropriĂ©s ceux des autres et rĂ©ciproquement » HF 164. Borges ne disait pas autre chose. ă â ă 21VolĂ©s, dĂ©truits ou transmis, authentiques, apocryphes ou canoniques, les manuscrits et autres incunables mis en scĂšne dans les deux romans Ă l'Ă©tude endossent une double fonction, volontiers contradictoire, Ă la fois garants de la rĂ©alitĂ© et dĂ©clencheurs d'imaginaire. Ces fictions du non-fictif » â pour reprendre en la dĂ©tournant l'expression de Jean Rousset Ă propos du roman Ă©pistolaire Rousset, 1962 75 â engagent la littĂ©rature du cĂŽtĂ© de la réécriture, la prĂ©sentant comme un jeu de piste oĂč il s'agit d'apprĂ©cier les finesses de la reprise et l'ampleur de la visĂ©e. Pastiche ou allĂ©gorie, ces fictions Ă©rudites construisent des intrigues de second degrĂ©, ficelĂ©es avec aisance, et qui reconduisent l'illusion romanesque. 22En s'inscrivant dans la trace du manuscrit, Si Dieu existe et Un homme dĂ©fait miment la rĂ©alitĂ© du dĂ©jĂ -Ă©crit et l'enjeu de vraisemblance rĂ©side tout entier dans la question de la transmission du savoir. Dans les deux cas, un narrateur lettrĂ© construit un univers diĂ©gĂ©tique Ă mĂȘme des Ă©lĂ©ments prĂ©existants, qu'il se targue de rĂ©vĂ©ler la vĂ©ritĂ© par le biais du tĂ©moignage direct, ou qu'il prĂ©tende avoir Ă©tĂ© le jouet d'une force supĂ©rieure. Dans les deux cas, une tension s'instaure entre l'illusion du rĂ©el et sa dĂ©construction, que ce soit, comme on l'a vu, par un savant dosage de rĂ©fĂ©rences Ă des documents historiques et inventĂ©s, par un souci des conventions gĂ©nĂ©riques ou diĂ©gĂ©tiques de l'hypotexte, par une interrogation figurĂ©e et sans cesse relancĂ©e du partage entre la rĂ©alitĂ© et la fiction. Dans les deux cas, le vraisemblable est dĂ©gagĂ© du rapport au rĂ©fĂ©rent et versĂ© tout entier du cĂŽtĂ© de l'Ă©nonciation, dans la mesure oĂč, comme le dirait Fiona McIntosh, l'ambition du romancier n'est pas de donner l'illusion de l'existence effective des faits racontĂ©s dans la diĂ©gĂšse romanesque, mais plutĂŽt de nous faire croire en l'existence d'un narrateur qui Ă©tablirait le plus fidĂšlement possible les faits » 2002 149. 23En se plaçant ainsi sous le patronage de textes antĂ©rieurs, les deux romans remettent en cause, de maniĂšre distincte, la notion d'autoritĂ© narrative. Le pur hasard, Ă moins qu'il ne faille y voir une machination tĂ©nĂ©breuse, a fait que l'un d'entre eux s'intĂ©resse Ă l'existence de Dieu en contestant systĂ©matiquement toute forme d'autoritĂ©, qu'elle soit spirituelle ou textuelle, alors que l'autre fait du diable l'autoritĂ© suprĂȘme, qui gĂšre l'intĂ©gralitĂ© du patrimoine littĂ©raire. Notes 1 Deux romans antĂ©rieurs de Nadaud, Lâiconoclaste 1989 et Le livre des malĂ©dictions 1995, exploraient dĂ©jĂ lâhĂ©ritage religieux. 2 DĂ©sormais, les renvois Ă la mĂȘme Ă©dition de ce roman seront signalĂ©s par la mention SDE suivie du numĂ©ro de page. 3 Comme nous l'apprend une note de l'Ă©diteur Un peu moins d'un siĂšcle aprĂšs la mort d'Anselme, la biographie de Clermont de Chartrette avait Ă©tĂ© mise de cĂŽtĂ©, et oubliĂ©e. C'est sur celle d'Eadmer, ainsi que sur les ouvrages de Jean de Salisbury et de Gilbert Crispin, que Thomas Becket, devenu Ă son tour archevĂȘque de CantorbĂ©ry, se fonda pour entamer un processus de canonisation » SDE 14, note 1. Voir aussi la note 2 de la page 230. Pour un compte rendu rĂ©el » du texte d'Eadmer, on lira Jean-Claude Breton 1995. 4 Une autoritĂ© dĂ©clinĂ©e ici sous toutes ses formes, de l'autoritĂ© de la RĂ©vĂ©lation Ă celle des PĂšres de l'Ăglise, de l'autoritĂ© des textes Ă l'autoritĂ© du magistĂšre, de celle du trĂŽne d'Angleterre Ă l'autoritĂ© papale, etc. ; figurĂ©e, thĂ©matisĂ©e, l'autoritĂ© se voit souvent ironisĂ©e Or, c'Ă©tait bien dans l'obscuritĂ© de nos pauvres esprits que cette tentative avait vu le jour. MalgrĂ© la mĂ©diocritĂ© de nos conditions d'existence, voilĂ que nous autres, ĂȘtres chĂ©tifs et imparfaits, affaiblis par les privations, assaillis par les morsures du froid comme par la dent des loups, qui avions le corps couvert d'engelures, de piqĂ»res d'insectes et de plaies suppurantes, [âŠ] voilĂ que, sans le secours des livres et avec les seuls moyens de notre intelligence, nous nous apprĂȘtions Ă dĂ©montrer la rĂ©alitĂ© de Dieu en sa gloire, le pur Ă©clat de Celui qui est, infini, et de toute Ă©ternitĂ© » SDE 137-138. 5 DĂ©sormais, les renvois Ă la mĂȘme Ă©dition de ce roman seront signalĂ©s par la mention HD suivie du numĂ©ro de page. 6 OrthographiĂ© ici avec un h supplĂ©mentaire, Szentkhuthy, renvoyant en clin d'Ćil Ă l'orthographe de Schatan. Miklos Szentkuthy 1908-1988, que l'on compare souvent Ă Joyce, a publiĂ© entre autres, outre Renaissance noire paru aux Ăditions PhĂ©bus 1991, En lisant Augustin 1996 et Robert baroque 1998 parus chez Corti. 7 Notamment par le rappel d'Ă©vĂ©nements de la premiĂšre partie, tels le travail de Ă la maison dâĂ©dition ses rencontres avec Melrose, son dĂ©mĂ©nagement, la soirĂ©e chez l'Ă©diteur, le chalet de Blue Montain Lake, etc. 8 Avant de mourir sous les roues de la voiture, cette belle Nastassia s'Ă©tait fait peindre nue mais avec des lunettes d'aveugle par l'ami de le peintre Bellaspina, tableau qui se retrouvera Ă la boutique Antiques et Incunables que tient Abbad Schatan Ă MontrĂ©al HF 143. Pour les dĂ©tails de la vie de cette Nastassia fictive, voir HF 182-183. 9 Rappelons briĂšvement que Genette, dans son cĂ©lĂšbre Vraisemblance et motivation » extrait de Figures II, distingue trois types de rĂ©cits le rĂ©cit vraisemblable, Ă motivation implicite, le rĂ©cit motivĂ© par des justifications plus ou moins restreintes, et le rĂ©cit arbitraire, sans motivation, pour ne retenir en bout de course qu'une seule distinction pertinente, celle du rĂ©cit non-motivĂ© qu'il soit vraisemblable ou arbitraire et du rĂ©cit motivĂ© Genette, 1969 98-99. 10 Abel Coleman [prĂ©cise encore le texte], digne reprĂ©sentant de la lignĂ©e des Koloman, instigateurs devant l'Ăternel de l'attentat contre le bon roi BĂ©la II l'Aveugle, selon toute vraisemblance, et que je tairai, n'ayant ni le temps ni le courage d'aborder ce pan de l'histoire hongroise » HF 162. 11 Le premier existe bel et bien, le second est pure invention ironique. 12 MĂȘme s'il ne s'agit que de sacrifier de façon plus ou moins ludique Ă une formalitĂ©, il faut justifier la performance narrative au nom du principe que l'on ne peut rapporter que des choses que l'on a apprises, en un mot, assurer au rĂ©cit une vraisemblance pragmatique, qui ne se confond ni avec la vraisemblance empirique des Ă©noncĂ©s, ni avec leur vraisemblance diĂ©gĂ©tique. Alors que la deuxiĂšme porte sur la conformitĂ© Ă l'expĂ©rience commune, mesurĂ©e Ă l'aune de la raison et/ou de l'opinion, et la troisiĂšme la cohĂ©rence de la mise en intrigue, la premiĂšre concerne la fictivitĂ© de l'acte de narration mode d'information du narrateur, circonstances de l'Ă©nonciation » Cavillac, 1995 24. Bibliographie BLANCKEMAN, Bruno 2008, Retours critiques et interrogations postmodernes », dans MichĂšle TOURET [dir.], Histoire de la littĂ©rature française du XXe siĂšcle, tome II aprĂšs 1940, Rennes, Presses universitaires de Rennes, p. 425-491. BRETON, Jean-Claude 1995, Eadmer, moine de CantorbĂ©ry, Histoire des temps nouveaux en Angleterre. Vie de saint Anselme, dans L'Ćuvre de saint Anselme de CantorbĂ©ry, tome 9, traduction française par Henri Rochais, Paris, Cerf, 423 pages », LTP Laval thĂ©ologique et philosophique, vol. 51, n o 2, p. 471-472. CAVILLAC, CĂ©cile 1995, Vraisemblance pragmatique et autoritĂ© fictionnelle », PoĂ©tique, n o 101 fĂ©vrier, p. 23-46. 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Elle mĂšne prĂ©sentement, avec AndrĂ©e Mercier de l'UniversitĂ© Laval, une recherche qui porte sur l'autoritĂ© narrative dans le roman et poursuit, avec Robert Dion de l'UQAM, l'Ă©tude du discours biographique. Pour citer cet article Frances Fortier 2009, Le roman mimĂ©tique Ă la lumiĂšre de l'invraisemblable », dans temps zĂ©ro, nÂș 2 [en ligne]. URL [Site consultĂ© le 10 May 2019].
Aunom de la vĂ©ritĂ©: Machination amoureuse. Ku ta shikojmĂ« . Shfaqja nuk Ă«shtĂ« nĂ« dispozicion. PĂRMBLEDHJE. REKOMANDIMET. LuftĂ«tari (2007) e premte. Aisha shkon nĂ« shkollĂ«n e mesme dhe babai i saj, qĂ« ka ardhur nĂ« DanimarkĂ« si emigrant nga Turqia, Ă«shtĂ« e bindur se ajo do tĂ« bĂ«het mjeke. Aisha, nĂ« fakt, Dashuria e parĂ« (2019) e premte. GjatĂ« njĂ«