bahoui depuis que je suis en analyse je suis un peu perdus dans tout ça j'ai compris que toutes les relations que j'avais eu enfin celles ou je me croyais vraiment love ce n'etait qu'une histoire de projection ,de transfert, pas vraiment l'amour mais alors c'est quoi l'amour doit on renoncer
Penser puis rĂ©diger un article rĂ©pond Ă  de multiples raisons. Le plus manifeste, quand il s'agit de la rĂ©paration, est celle de l'usage inflatoire et apparemment Ă©vident d'expressions comme "Il ou elle est la rĂ©paration sur pied", "Les analystes ont un problĂšme de rĂ©paration". Quelle signification donner Ă  ces clichĂ©s. J'ai donc tentĂ© d'en savoir plus sur la rĂ©paration. Je me propose de transmettre le cheminement qui fut le mien, les hypothĂšses que j'ai Ă©laborĂ©es. J'insiste toutefois sur le fait que les rĂ©flexions que je livre ici sont loin d'ĂȘtre achevĂ©es, elles sont idĂ©es en devenir. Elles tĂ©moignent, en tout cas, de la richesse et de la fertilitĂ© de la pensĂ©e de M. Klein. Il m'a semblĂ© utile, comme point de dĂ©part, de tenter de donner une dĂ©finition de la rĂ©paration. Mes diverses lectures, dans ce but, m'ont placĂ© dans un Ă©tat pĂ©nible d'insatisfaction et de perplexitĂ©. J'ai Ă©tĂ© quelque peu rassurĂ© en lisant un commentaire de Donald Meltzer Meltzer, 1978 "Le concept de rĂ©paration a eu des dĂ©buts trĂšs confus et serpente gentiment Ă  travers toute l'oeuvre de M. Klein, jamais vĂ©ritablement rassemblĂ© nulle part, malgrĂ© qu'elle ait Ă©crit un livre avec Joan RiviĂšre, en 1937 dont le titre Ă©tait Amour, Haine et RĂ©paration". Les aspects essentiels de la rĂ©paration sont notĂ©s et commentĂ©s dans le dernier ouvrage de M. Klein, "L'analyse du cas Richard" Klein, 1961, qui fut Ă©crit entre 1958 et 1960, c'est-Ă -dire aprĂšs "Envie et Gratitude", publiĂ© en 1957. Notons que le travail clinique sur Richard remonte Ă  1941. MĂ©lanie Klein nous donne, ce faisant, un exemple de l'incessante remise sur le mĂ©tier de ses idĂ©es et de ses thĂ©ories. Comme point de dĂ©part, j'ai trouvĂ© commode le recours Ă  des citations de M. Klein. Je donnerai un premier texte relativement prĂ©cis encore qu'incomplet par rapport Ă  l'ensemble du problĂšme "Je voudrais examiner maintenant de façon plus prĂ©cise les processus par lesquels l'angoisse dĂ©pressive, la culpabilitĂ© et le dĂ©sir de rĂ©paration se produisent. La base de l'angoisse dĂ©pressive est, comme je l'ai dĂ©crit, le processus par lequel le Moi synthĂ©tise des pulsions destructrices et des sentiments d'amour envers un seul objet. Le sentiment que le mal fait Ă  l'objet aimĂ© est causĂ© par les pulsions agressives du sujet, telle me paraĂźt ĂȘtre l'essence de la culpabilitĂ©. Le sentiment de culpabilitĂ© du sujet peut s'Ă©tendre Ă  tout mal qui arrive Ă  l'objet aimĂ© – mĂȘme le mal fait par les objets persĂ©cuteurs du sujet. Le dĂ©sir d'annuler ou de rĂ©parer ce mal rĂ©sulte du sentiment que le sujet l'a causĂ©, c'est-Ă -dire la culpabilitĂ©. La tendance rĂ©paratrice peut donc ĂȘtre considĂ©rĂ©e comme une consĂ©quence du sentiment de culpabilitĂ©. Une question se pose alors la culpabilitĂ© est-elle un Ă©lĂ©ment de l'angoisse dĂ©pressive ? Sont-elles deux aspects d'un mĂȘme processus ou l'une d'elles est-elle le rĂ©sultat ou la manifestation de l'autre ? Je ne peux pas donner maintenant une rĂ©ponse dĂ©finitive Ă  cette question, mais je dirais que l'angoisse dĂ©pressive, la culpabilitĂ© et le dĂ©sir de rĂ©paration sont souvent vĂ©cus simultanĂ©ment. Il semble probable que l'angoisse dĂ©pressive, la culpabilitĂ© et la tendance rĂ©paratrice sont vĂ©cues seulement lorsque les sentiments d'amour pour l'objet prĂ©dominent sur les pulsions destructrices. En d'autres termes, nous pouvons supposer que la rĂ©pĂ©tition d'expĂ©riences dans lesquelles l'amour surpasse la haine – ou en fin de compte, dans lesquelles la pulsion de vie surpasse la pulsion de mort – est une condition essentielle pour la capacitĂ© du Moi de s'intĂ©grer lui-mĂȘme et de synthĂ©tiser les aspects contrastants de l'objet. Dans ces Ă©tats ou ces moments, la relation avec l'aspect mauvais de l'objet, de mĂȘme que l'angoisse de persĂ©cution, se sont affaiblies" Klein, 1952. De ce premier texte, relevons la triade caractĂ©ristique angoisse dĂ©pressive-culpabilitĂ©-dĂ©sir de rĂ©paration. Ainsi que le lien entre rĂ©paration et position dĂ©pressive. Je note Ă©galement la position jamais dĂ©mentie de MĂ©lanie Klein pour surmonter la position dĂ©pressive, il faut que le poids des bonnes expĂ©riences surpasse les manifestations de l'instinct de mort. Autre texte de MĂ©lanie Klein Klein et coll., 1973, extrait du chapitre sur Identification et RĂ©paration in L'amour et la haine – Le besoin de rĂ©parer "Etre vraiment bienveillant implique que nous pouvons nous mettre Ă  la place des autres, que nous pouvons nous "identifier" Ă  eux. Cette capacitĂ© de s'identifier Ă  une autre personne est un Ă©lĂ©ment des plus importants dans les relations humaines en gĂ©nĂ©ral. C'est aussi une condition pour aimer vraiment et intensĂ©ment
 C'est ainsi qu'en renversant une situation, c'est-Ă -dire en agissant Ă  l'Ă©gard d'une autre personne comme un bon parent, nous recrĂ©ons en fantasme l'amour et la bontĂ© que nous avons souhaitĂ©s chez nos parents et nous en jouissons
 Nos ressentiments contre nos parents parce qu'ils nous ont frustrĂ©s, la haine et le dĂ©sir de vengeance auxquels ces ressentiments ont donnĂ© naissance, la culpabilitĂ© et le dĂ©sespoir engendrĂ©s par cette haine et ce dĂ©sir de vengeance parce que nous avons fait du mal Ă  des parents que nous aimions – tout cela peut ĂȘtre rĂ©trospectivement effacĂ© en fantasme 
, du fait que nous jouons Ă  la fois le rĂŽle des parents aimants et celui des enfants aimants. En mĂȘme temps, dans notre fantasme, nous transformons en bien le mal que nous avons fait en fantasme et pour lequel, inconsciemment, nous nous sentons coupables. D'aprĂšs moi, cette façon de rĂ©parer en italique dans le texte est un Ă©lĂ©ment fondamental dans l'amour et dans toutes les relations humaines
 ". Ce dernier Ă©crit met l'accent sur la notion d'identification qui me paraĂźt centrale. De plus, il souligne l'apport tout Ă  fait essentiel de MĂ©lanie Klein en ce qui concerne la notion d'objet interne le mĂ©canisme de rĂ©paration traduit l'activitĂ© d'un fantasme de rĂ©paration de dommages infligĂ©s fantasmatiquement Ă  des objets internes. Je donnerai encore deux "dĂ©finitions" de la rĂ©paration. Elles sont empruntĂ©es l'une au Vocabulaire de la Psychanalyse Laplanche et Pontalis, 1967, l'autre au Dictionnaire de la Psychanalyse Rycroft, 1968. Ces dĂ©finitions sont inĂ©vitablement Ă©troites mais elles se complĂštent relativement. Laplanche et Pontalisd'abord, p. 104. RĂ©paration "MĂ©canisme dĂ©crit par MĂ©lanie Klein, par lequel le sujet cherche Ă  rĂ©parer les effets sur son objet d'amour de ses fantasmes destructeurs. Ce mĂ©canisme est liĂ© Ă  l'angoisse et Ă  la culpabilitĂ© dĂ©pressives la rĂ©paration fantasmatique de l'objet maternel externe et interne permettrait de surmonter la position dĂ©pressive en assurant au Moi une identification stable Ă  l'objet bĂ©nĂ©fique". Cette tentative de dĂ©finition est partielle et rĂ©ductrice. Elle met l'accent sur la dimension concrĂšte, un peu "mĂ©canique" du processus de rĂ©paration ; l'effet dĂ©lĂ©tĂšre est mis au compte de fantasmes destructeurs "stricto sensu" alors que MĂ©lanie Klein a accordĂ© progressivement moins d'importance Ă  l'aspect sauvage de fantasmes d'attaques pour s'interroger sur la dimension structurale des mĂ©canismes mentaux agresseurs tels que le clivage et l'identification projective. Charles Rycroftp. 43. RĂ©paration "Processus mĂ©canisme de dĂ©fense qui consiste Ă  rĂ©duire la culpabilitĂ© par une action destinĂ©e Ă  rĂ©parer le mal qu'on imagine avoir fait Ă  un objet investi de façon ambivalente ; processus qui consiste Ă  recrĂ©er un objet interne qui a Ă©tĂ© dĂ©truit en fantasme. Dans l'oeuvre kleinienne, on est portĂ© Ă  considĂ©rer que toute activitĂ© crĂ©atrice est rĂ©paratrice et Ă  voir dans la rĂ©paration l'un des processus normaux par lequel l'individu rĂ©sout son ambivalence inhĂ©rente envers les objets". Cette derniĂšre dĂ©finition donne une ouverture sur la dimension transformatrice et symbolisante de la rĂ©paration en Ă©voquant le lien entre activitĂ© crĂ©atrice et rĂ©paration. Ces deux dĂ©finitions, tant celle du Vocabulaire que du Dictionnaire, indiquent que la rĂ©paration est un des moyens de surmonter la position dĂ©pressive. Au dĂ©cours de mes lectures sur la rĂ©paration, m'est apparue la nĂ©cessitĂ©, pour la dĂ©gager de son aspect quelque peu phĂ©nomĂ©nologique, concret "rĂ©parer un objet endommagĂ©", "rassembler les morceaux", "rendre les bonnes choses volĂ©es" de mettre l'accent sur une dimension plus structurale. Cette importance structurale ne se dĂ©gagera nettement que dans l'articulation entre rĂ©paration et ce qui se modifie dans la position dĂ©pressive. Pour moi, le mode de rĂ©paration est le reflet du type de relation d'objet, le reflet de l'aspect prĂ©dominant du mode de fonctionnement mental. Je pourrais prĂ©ciser mon point de vue et dire "Etat de la fonction symbolique" c'est-Ă -dire pensĂ©es fonctionnant sur le mode de l'Ă©quation symbolique ou du symbole. Je rappelle la dĂ©finition de la fonction symbolique que donne J. Godfrind dans son article consacrĂ© Ă  ce sujet Godfrind, 1985 "La 'fonction de symbolisation' ou procĂšs de symbolisation se construit sur les bases d'un processus de transformation des donnĂ©es sensorielles, perceptives, affectives dans des images mentales fonction α de Bion. Mais son instauration correspond Ă  la reconnaissance de la sĂ©paration d'avec la mĂšre en mĂȘme temps que la rĂ©fĂ©rence Ă  l'Ă©lĂ©ment tiers. Elle implique l'intĂ©riorisation d'un 'champ transitionnel', aire d'Ă©change avec l'autre. Elle dynamise le fonctionnement psychique, qu'il s'agisse de relations Ă  autrui, d'expĂ©riences personnelles, de rĂȘves, de fantasmes, de situations d'apprentissage ; elle s'applique aux sphĂšres cognitives, culturelles, artistiques, etc
 ". La rĂ©paration rend compte d'une activitĂ© libidinale, d'une activitĂ© d'amour. On pourrait dire que la rĂ©paration se traduit par une activitĂ© psychique, la capacitĂ© de faire des liens, des liaisons, la capacitĂ© de crĂ©er des symboles. Dans son aspect le plus Ă©laborĂ©, la rĂ©paration est "peu visible", en ce sens que la tentative rĂ©paratrice est moins perceptible sous l'apparence du scĂ©nario fantasmatique ou praxique poussĂ© par la culpabilitĂ©, le sujet dĂ©veloppe une prĂ©occupation rĂ©paratrice pour l'objet endommagĂ© par ses attaques et tend Ă  le restaurer, frĂ©quemment dans une thĂ©matique oedipienne. Lorsque le sujet est installĂ© de maniĂšre stable dans la position dĂ©pressive, un des Ă©lĂ©ments essentiels de la rĂ©paration domine la possibilitĂ© de renoncer Ă  l'idĂ©alisation, Ă  la toute-puissance de la pensĂ©e, de diminuer le recours au clivage, d'abandonner l'identification projective. Hanna Segal Segal, 1964 et Donald Meltzer Meltzer, 1978 dĂ©crivent ces renoncements en termes de mouvements actifs qui constituent l'Ă©lĂ©ment actif de la rĂ©paration vraie. Dans l'aspect le plus "achevĂ©" de la rĂ©paration, ce qui se montre surtout, c'est la capacitĂ© de percevoir les objets internes et externes dans leur rĂ©alitĂ©, c'est-Ă -dire d'apprĂ©hender les objets dans leur totalitĂ© et d'assumer l'ambivalence Ă  leur sujet, et sa correspondance pulsionnelle dans la rĂ©alitĂ© psychique en d'autres termes, reconnaĂźtre et assumer la rĂ©alitĂ© psychique des pulsions d'amour et de haine. C'est donc vivre l'objet total, rĂ©el, sĂ©parĂ©, diffĂ©renciĂ©, sexuĂ© et original. C'est reconnaĂźtre et accepter la dĂ©pendance infantile vis-Ă -vis de ces objets et renoncer au contrĂŽle sur eux. La rĂ©paration signe le renoncement Ă  l'objet elle constitue un travail de deuil. La disposition d'esprit, "l'atmosphĂšre mentale" comme dit Meltzer, si particuliĂšre de la position dĂ©pressive, faite de sentiments dĂ©pressifs, de culpabilitĂ©, de remords, de prĂ©occupation authentique envers l'objet rend possible le dĂ©ploiement de l'Ă©lĂ©ment passif de la rĂ©paration vraie les objets internes se rĂ©parent mutuellement. Il s'agit d'un approfondissement de la scĂšne primitive oĂč le coĂŻt parental est source de crĂ©ations nouvelles. Cette rĂ©paration mutuelle va au-delĂ  de panser les blessures notamment les effets du clivage et de faire des bĂ©bĂ©s. Il y a transformation, rĂ©crĂ©ation d'un objet combinĂ© mais diffĂ©rent du couple fusionnĂ© et indiffĂ©renciĂ©. Je cite D. Meltzer Meltzer, 1978 "les deux composants, l'un oĂč le self participe en reprenant ses identifications projectives au travers de l'acceptation de son sentiment dĂ©pressif et l'autre oĂč les objets le font l'un pour l'autre dans leur coĂŻt lorsque la dĂ©pendance infantile est reconnue, restaurent le dommage qui a Ă©tĂ© produit originairement par les attaques fantasmatiques masturbatrices". Je reviendrai ultĂ©rieurement sur cette dimension de la rĂ©paration assurĂ©e par les objets internes. La rĂ©paration, activitĂ© de crĂ©ation de symboles, se poursuivra dans les activitĂ©s de sublimations et dans les crĂ©ations esthĂ©tiques. Pour MĂ©lanie Klein, il y a Ă©quivalence entre actes de rĂ©paration et actes de sublimation. Comme l'expriment excellement Florence et Jean Begoin Begoin, 1979 "
 l'omnipotence fantasmatique liĂ©e Ă  l'idĂ©alisation pourra s'Ă©changer progressivement contre la puissance relative, mais rĂ©elle, liĂ©e Ă  la sublimation basĂ©e sur l'activitĂ© symbolique
 Pour M. Klein, le besoin de rĂ©parer constitue le plus puissant stimulus Ă  la sublimation et les sublimations lui apparaissent comme des activitĂ©s rĂ©paratrices". Le concept de sublimation chez MĂ©lanie Klein est assez diffĂ©rent du processus dĂ©crit par Freud pour qui la sublimation reprĂ©sente un moyen de dĂ©river les pulsions infantiles sexuelles perverses polymorphes vers des activitĂ©s dirigĂ©es dans le monde extĂ©rieur et ce d'une maniĂšre dĂ©sexualisĂ©e et socialement acceptable. Hanna Segal Segal, 1957 s'inspire partiellement des thĂšses de Freud quand elle dit que "
 la formation des symboles lors de la position dĂ©pressive nĂ©cessite une certaine inhibition des buts instinctuels directs dans leur relation avec l'objet originel et, pour cette raison, les symboles deviennent utilisables Ă  des fins de sublimation". J'ai bien conscience de ne faire qu'effleurer, par ces quelques notations, le problĂšme si complexe des sublimations, sans parler de la crĂ©ativitĂ©. Je ne peux que me rallier Ă  l'opinion de Laplanche et Pontalis, quand ils disent qu'une thĂ©orie psychanalytique de la sublimation est encore Ă  faire. PrĂ©senter les choses comme je le fais, c'est souligner que l'activitĂ© de rĂ©paration tĂ©moigne de la structure de la psychĂ©, c'est faire dĂ©pendre l'expressivitĂ© rĂ©paratrice des relations dialectiques entre les aspects topiques, dynamiques, gĂ©nĂ©tiques et Ă©conomiques, ce dernier aspect prenant une importance moindre que dans les derniĂšres thĂ©orisations de M. Klein. Souligner l'aspect structural c'est donner la prĂ©fĂ©rence Ă  une expressivitĂ© en termes de symboles, d'Ă©lĂ©ments α, d'appareil Ă  penser les pensĂ©es. S'il me paraĂźt essentiel de dĂ©pister l'activitĂ© rĂ©paratrice en ce qu'elle traduit l'Ă©tat de la psychĂ© et c'est le gĂ©nie de M. Klein de l'avoir reconnue et dĂ©crite sous tous ses aspects, du plus direct, dans son prĂ©dĂ©cesseur que constitue la gratitude jusqu'au plus Ă©laborĂ©, l'acte crĂ©ateur ou esthĂ©tique, s'en tenir Ă  cet aspect serait non seulement incomplet mais Ă©galement insuffisant. Le problĂšme central de la rĂ©paration est celui des identifications. L'activitĂ© rĂ©paratrice dans l'Ă©laboration de la position dĂ©pressive, permet, dans ce vĂ©ritable travail de deuil qu'elle constitue, de percevoir les objets dans leur rĂ©alitĂ© et leur totalitĂ©, objectale et ambivalente. Elle autorise la "rĂ©cupĂ©ration" des bonnes parties du soi dĂ©posĂ©es dans les objets, ainsi que les "mauvaises" ressenties comme moins mauvaises, supportables, et facilite une des issues favorables, Ă  savoir le dĂ©passement jamais atteint de la position dĂ©pressive et de l'oedipe, par identification introjective aux objets parentaux. Le processus identificatoire que je viens de dĂ©crire me paraĂźt liĂ© Ă  des identifications prĂ©cĂ©dentes. Il me semble que la rĂ©paration qui est une activitĂ© du Moi, traduit, entre autres, les relations du Moi avec les objets primitifs. Si on est d'accord avec l'hypothĂšse que la rĂ©paration comprend la capacitĂ© de faire des liens et de crĂ©er des symboles, cette activitĂ© est liĂ©e Ă  un objet prĂ©cis et Ă  l'identification Ă  cet objet prĂ©cis. Je n'omets pas l'identification aux objets totaux et Ă  leur activitĂ© crĂ©atrice de symboles mais je pense Ă  leurs prĂ©dĂ©cesseurs, plus prĂ©cisĂ©ment l'objet primaire, le bon sein "pris pour la mĂšre". Le "bon sein" dĂ©signe pour moi la mĂšre-contenante, capable de rĂȘverie, capable de nominations, la mĂšre liante, la mĂšre investissant narcissiquement son enfant et capable dans le mĂȘme temps de le vivre comme "diffĂ©rent" et dans une autonomie future. Dans l'optique identificatoire, la rĂ©paration exprime une identification Ă  l'objet primaire et Ă  une activitĂ© spĂ©cifique d'amour de cet objet, plus prĂ©cisĂ©ment l'activitĂ© de liaisons et de symboles. La rĂ©paration vise la restauration de cet objet dans le travail effectuĂ© sur l'objet endommagĂ©. La rĂ©paration dit la "nostalgie" du bon objet primaire. Quand je souligne que l'activitĂ© de rĂ©paration repose sur une identification prĂ©coce Ă  une certaine activitĂ©, Ă  une certaine fonction de la mĂšre, il me faut prĂ©ciser que l'objet externe est spĂ©cifiquement le psychisme de la mĂšre sa capacitĂ© de rĂȘverie, sa fonction α, sa capacitĂ© de penser les pensĂ©es. il ne s'agit pas de la mĂšre dans ses activitĂ©s de soins, de holding. Je ne fais que reprendre les thĂšses de Bion qui, grĂące au concept d'identification projective normale, propose un modĂšle, complexe par ailleurs, de ce qui se passe entre la mĂšre et l'enfant. Par le moyen d'une relation fondĂ©e sur cette identification projective normale, les Ă©changes dans ce couple aboutissent, par agrĂ©gation lente et successive d'Ă©lĂ©ments α de l'enfant et d'Ă©lĂ©ments α de la mĂšre, Ă  la formation d'une barriĂšre de contact, matrice de la fonction α, lieu topique du systĂšme prĂ©conscient. Nous assistons lĂ  Ă  la genĂšse d'un constituant structural de la psychĂ©. Par ailleurs, introjections et rĂ©introjections par l'enfant d'Ă©lĂ©ments de l'espace psychique de la mĂšre, de l'ordre du contenant psychique de celle-ci, aboutiront Ă  la constitution d'un contenant psychique propre, pour ses activitĂ©s psychiques. L'Ă©lĂ©ment structural en devenir est constitutif Ă©galement d'un "bon objet interne" dont l'Ă©dification participera d'un processus identificatoire Ă  un objet d'amour, contenant et liant psychique dont les qualitĂ©s transformatrices sont le garant de la potentialitĂ© symbolique. Pour que ce contenant psychique autonome, cette fonction psychique, cet espace intĂ©rieur psychique puisse advenir avec sa spĂ©cificitĂ© d'espace d'Ă©laboration psychique propre, il faut, du cĂŽtĂ© de l'enfant, que l'angoisse de sĂ©paration ne soit pas trop intense et que l'envie soit modĂ©rĂ©e ; du cĂŽtĂ© de la mĂšre, il est essentiel que l'investissement narcissique de son enfant ne soit pas de type aliĂ©nant et qu'en mĂȘme temps il soit investi objectalement, c'est-Ă -dire reconnu comme une personne propre, originale, diffĂ©rente. Objet interne et structure psychique sont dialectiquement liĂ©s. Ce modĂšle proposĂ© par Bion permet de sortir de l'impasse Ă©conomique des thĂšses de M. Klein oĂč tout aboutissait Ă  une balance entre bonnes introjections et activitĂ©s destructrices. Je disais prĂ©cĂ©demment que l'expression "nostalgie du bon sein" Ă©merge sans cesse de la lecture des textes de M. Klein. Cette nostalgie du bon sein me paraĂźt familiĂšre du bon objet "perdu" dĂ©crit par Freud. Dans Formulation sur les deux principes du fonctionnement mental 1911, dans Pulsions et destin des pulsions 1915, dans La dĂ©nĂ©gation 1925, est sans cesse prĂ©sente la recherche de l'objet primitif rĂ©ellement satisfaisant et perdu. L'image interne de cet objet ne serait-il pas le modĂšle guidant le sujet dans son travail de rĂ©paration de l'objet endommagĂ© et perdu car abĂźmĂ© par ses attaques ? Dans la rĂ©paration, le problĂšme de l'identification prĂ©coce est central. Nous avons dĂ©crit plus haut les qualitĂ©s du bon sein "pris pour la mĂšre". Des modes primitifs d'identifications, l'identification adhĂ©sive, l'identification projective normale et l'identification introjective prĂ©coce, ce sont ces deux derniĂšres qui participent de l'installation du bon objet dans le Moi primitif du nourrisson. Ce processus identificatoire est fragile. Partie prenante dans ce mouvement le sentiment de gratitude du nourrisson envers le bon sein, le sein qui fournit, comme le dit Bion, "la bonne nourriture psychique". MĂ©lanie Klein prĂ©cise dans "Envie et gratitude" que la gratitude est dĂ©clenchĂ©e par la jouissance consĂ©cutive au don d'amour de la mĂšre Klein, 1957. MĂ©lanie Klein spĂ©cifie que l'aptitude Ă  Ă©prouver la gratitude est une disposition innĂ©e et variable ; elle prĂ©cise que la capacitĂ© de jouissance et de gratitude est un dĂ©rivĂ© de la capacitĂ© d'amour, facteur lui aussi constitutionnel et rĂ©sultant d'un dosage entre pulsions de vie et de mort. Ce qui me semble s'imposer d'Ă©vidence, c'est que la gratitude est la matrice du mouvement rĂ©parateur ; elle est directe car non mĂ©diatisĂ©e par la culpabilitĂ© comme dans la rĂ©paration. Je ne veux pas dĂ©velopper ici la description par MĂ©lanie Klein d'un sentiment trĂšs primitif de culpabilitĂ© mais qui ne peut se maintenir Ă  cause de la fragilitĂ© du Moi ; cette culpabilitĂ© se dĂ©grade en angoisses persĂ©cutoires. L'identification projective normale, l'identification introjective prĂ©coce et la gratitude peuvent ĂȘtre affaiblies par l'action des attaques envieuses contre le sein, l'objet primaire. Nous rappelons que l'envie, expression de l'instinct de mort, est dirigĂ©e contre le sein "car il est bon". L'expression envieuse est sous-tendue par la "connaissance innĂ©e du bon sein". La destructivitĂ© envieuse peut donc affaiblir et la gratitude et les introjections, le processus identificatoire au bon objet primaire, compromettant ainsi la genĂšse des processus de rĂ©paration. L'envie est une manifestation psychique opposĂ©e Ă  celle de la rĂ©paration la premiĂšre tend Ă  rendre "mauvais" et Ă  dĂ©truire un objet perçu d'emblĂ©e comme bon, la seconde veut rendre bon un objet endommagĂ©, potentiellement dangereux. Je voudrais souligner la dimension d'ambivalence pulsionnelle originaire que constituent l'envie et la gratitude et ce pour Ă©mettre une hypothĂšse quant Ă  une modalitĂ© particuliĂšre de rĂ©sistance en analyse que Jacqueline Godfrind a dĂ©crite dans son article sur les moments destructeurs en analyse Godfrind, 1984, moments oĂč les Ă©lĂ©ments qui caractĂ©risent la rĂ©paration sont momentanĂ©ment dissous. Rappelons que lors de ces moments, on assiste Ă  une bascule brutale au discours nĂ©vrotique inscrit dans un processus transfĂ©rentiel en apparence banal, se substitue brutalement un Ă©tat oĂč prĂ©dominent des expressions auto- et hĂ©tĂ©ro-agressives, des attaques de liens dirigĂ©s tant vers l'analyste que l'analysant ; le "comme si" n'a plus place, le prĂ©conscient semble collabĂ©. La crĂ©ativitĂ© de l'analyste est spĂ©cifiquement attaquĂ©e et tout le travail effectuĂ© semble dissous. On est le tĂ©moin d'une mise Ă  mal de la propre crĂ©ativitĂ© de l'analysant, de sa capacitĂ© la plus Ă©laborĂ©e de rĂ©paration, de symbolisation. Dans de telles descriptions, qui sont celles de rĂ©actions thĂ©rapeutiques nĂ©gatives, il est souvent avancĂ© comme explication une manifestation de l'envie ; ou encore ce que J. et F. Begoin ont appelĂ© ''l'angoisse catastrophique" ou "angoisse de sĂ©paration catastrophique" en rĂ©fĂ©rence Ă  ce que Bion dĂ©crit dans la perception d'un changement d'Ă©tat ressenti comme dangereux et inĂ©laborable en relation avec la persistance d'un mode de relation Ă  l'objet de type adhĂ©sif Begoin, 1981. Il m'a semblĂ© que l'on pouvait rencontrer des "moments destructeurs" dans le dĂ©cours de n'importe quelle analyse et chez des analysants relativement bien outillĂ©s sur le plan nĂ©vrotique. Je voudrais avancer comme explication possible Ă  ce type de phĂ©nomĂšne, une hypothĂšse qui a pour seule originalitĂ© de faire rĂ©fĂ©rence au phĂ©nomĂšne d'aprĂšs-coup. J'ai l'impression d'avoir souvent rencontrĂ© ces "moments destructeurs" pendant une phase de progrĂšs de l'analyse, comme en constitue l'accĂšs ou le dĂ©veloppement de la position dĂ©pressive, plus prĂ©cisĂ©ment le temps d'apprĂ©hension de l'objet total et du sentiment d'ambivalence, le vĂ©cu d'ambivalence entraĂźnant la prise de conscience des pulsions ambivalentes d'amour et de haine. Je poserai mon hypothĂšse sous la forme d'une interrogation la prise de conscience des pulsions ambivalentes dans la position dĂ©pressive ne provoque-t-elle pas, par la dialectique de l'aprĂšs-coup, le surgissement, la rĂ©-actualisation, dans le hic et nunc, d'une situation primitive de pulsions ambivalentes originaires, celle de l'envie et de la gratitude, avec le rĂ©investissement d'attaques destructrices envieuses contre l'objet analyste, fauteur de troubles car "bon objet". En d'autres termes, l'apparition du conflit oedipien qui, Ă  mes yeux, se superpose avec l'accĂšs Ă  la position dĂ©pressive dont il vient d'ĂȘtre question, ne peut-il avoir pour effet dynamique "d'Ă©clairer" le conflit inscrit dans la triangulation archaĂŻque de la relation primitive au sein ? Ce modĂšle d'explication met l'accent sur la dimension structurale de la psychĂ©, sur l'Ă©conomie dialectique entre un mode de fonctionnement caractĂ©ristique de la position dĂ©pressive et un autre, expression d'une position plus narcissique. Cette digression sur des moments qu'on peut qualifier de rĂ©action thĂ©rapeutique nĂ©gative m'a paru intĂ©ressante en ce qu'elle met en Ă©vidence le phĂ©nomĂšne d'aprĂšs-coup dont l'action rĂ©actualise une situation gĂ©nĂ©tiquement antĂ©rieure oĂč l'on voit les processus fondateurs de la rĂ©paration soumis aux attaques envieuses. L'essentiel des descriptions prĂ©cĂ©dentes concernent la rĂ©paration la plus achevĂ©e, la plus Ă©laborĂ©e, celle "sans adjectif" ou encore la rĂ©paration dite "vraie" en opposition Ă  la rĂ©paration maniaque et Ă  la rĂ©paration obsessionnelle. Pour prendre une perspective gĂ©nĂ©tique, la rĂ©paration vraie est caractĂ©ristique de la position dĂ©pressive tardive, les rĂ©parations maniaque et obsessionnelle sont le tĂ©moin de la position dĂ©pressive infantile initiale. S'il est vrai que la rĂ©paration est initiĂ©e par la conscience de l'agressivitĂ© dirigĂ©e contre l'objet et la culpabilitĂ© suscitĂ©e par les blessures infligĂ©es, il faut un Moi dĂ©jĂ  fort pour assumer cette agressivitĂ©, cette culpabilitĂ© et les angoisses persĂ©cutives. L'Ă©tat du Moi au seuil de la position dĂ©pressive est incapable d'assumer ces affects auxquels s'ajoute le sentiment dĂ©pressif d'avoir perdu l'objet Ă  cause des attaques sadiques. Si on inclut Ă  cela la crainte d'avoir perdu l'objet tĂ©moin du couple parental fusionnĂ©, c'est-Ă -dire la perte des deux parents, cela fait beaucoup. On assiste alors Ă  une exacerbation des mĂ©canismes maniaques dĂ©ni, clivage, identification projective, idĂ©alisation, toute-puissance de la pensĂ©e, contrĂŽle omnipotent sur l'objet. L'Ă©tat de la psychĂ© est celui caractĂ©ristique de l'Ă©quation symbolique il n'y a guĂšre de diffĂ©rence entre le symbole et l'objet symbolisĂ©, il y a une sorte d'Ă©quivalence dans les relations du sujet aux objets, partiels et totaux. La rĂ©paration maniaque est marquĂ©e par l'idĂ©alisation et la toute-puissance de la pensĂ©e ; elle n'est que fantasmatique, sans prĂ©occupation vĂ©ritable pour l'objet et d'ailleurs centrĂ©e sur des objets assez extĂ©rieurs ; son but est d'Ă©viter au sujet la nostalgie de l'objet perdu et la prise de conscience de sa culpabilitĂ© et de son agressivitĂ© envers l'objet ; elle est avant tout intention de rĂ©parer. Les attaques, comme la rĂ©paration sont marquĂ©es du sceau de l'omnipotence. La rĂ©paration obsessionnelle succĂšde gĂ©nĂ©tiquement Ă  la rĂ©paration maniaque elle en a les caractĂ©ristiques et l'aspect compulsionnel. Mais, tĂ©moin de la maturation du Moi, elle se manifeste par des praxies c'est-Ă -dire par des conduites visant Ă  une tentative concrĂšte de rĂ©parer l'objet endommagĂ©. Elle n'est pas que fantasmatique et se traduit par des agis "que l'enfant utilise comme figurations symboliques de ses intentions rĂ©paratrices" Petot, 1984. RĂ©parations maniaque et obsessionnelle sont des mĂ©canismes inefficaces d'oĂč leur allure rĂ©pĂ©titive Ă  la maniĂšre de l'apprenti-sorcier. Leur importance diminuera progressivement avec une meilleure installation dans la position dĂ©pressive. Dans les derniĂšres annĂ©es de sa vie, MĂ©lanie Klein a accordĂ© moins d'importance Ă  la position dĂ©pressive et Ă  la rĂ©paration. Cela tient essentiellement, me semble-t-il, Ă  deux Ă©lĂ©ments son intĂ©rĂȘt s'est portĂ© de maniĂšre plus accentuĂ©e sur les relations prĂ©coces et leur importance fondamentale. elle introduit une modification dans sa thĂ©orisation de la position dĂ©pressive ; elle fait dĂ©buter la position dĂ©pressive plus prĂ©cocement, mĂȘme si celle-ci est prĂ©cisĂ©e et prĂ©cipitĂ©e par la perception de l'objet total et un dĂ©but de diffĂ©renciation des objets figurĂ©s dans l'objet-parents combinĂ©s. Elle souligne que l'affect dĂ©pressif peut ĂȘtre Ă©prouvĂ© par le nourrisson dans le fantasme de perte de l'objet partiel, c'est-Ă -dire du sein. L'affect dĂ©pressif prĂ©cĂšde donc la position dĂ©pressive Klein et coll., 1952. De plus, elle dĂ©crit chez le nourrisson des moments d'intĂ©gration, de synthĂšses prĂ©coces, pendant la position schizo-paranoĂŻde, avec assimilation de l'ambivalence et de la rĂ©alitĂ© psychique correspondante. MĂȘme liĂ©s Ă  la relation Ă  l'objet partiel, ces moments constituent des Ă©tats de position dĂ©pressive et des mouvements rĂ©parateurs sont dĂ©celables en relation avec l'agressivitĂ© dirigĂ©e contre l'objet ibidem. Au chevauchement des stades, s'ajoute maintenant le chevauchement des positions ce qui rend plus flou l'accĂšs et les caractĂ©ristiques de la position dĂ©pressive. D'aprĂšs Petot, il s'en suivra, dans les derniĂšres annĂ©es de la vie de M. Klein, une moindre affirmation de l'aspect mutatif de la position dĂ©pressive et dĂšs lors une moindre importance accordĂ©e Ă  la prĂ©dominance du fonctionnement mental sous l'Ă©gide du dĂ©veloppement de la fonction symbolique et ses consĂ©quences la rĂ©paration, les sublimations et les actes crĂ©ateurs. Il me reste Ă  conclure. Dans sa conceptualisation de la position dĂ©pressive et de la rĂ©paration, M. Klein met par trop l'accent sur l'Ă©conomique elle se rĂ©fĂšre Ă  l'importance de l'instinct de vie par rapport Ă  l'instinct de mort. Ce faisant, elle induit un effet rĂ©ducteur par une globalisation oĂč, en dernier ressort, tout dĂ©pend du poids des bonnes introjections. Je considĂšre que sont trop laissĂ©s dans l'ombre les aspects topiques, dynamiques, structuraux. Dans ma tentative de cerner la rĂ©paration, j'ai insistĂ©, pour ma part, sur l'importance de la relation du Moi aux objets primitifs et plus prĂ©cisĂ©ment aux identifications introjectives prĂ©coces et projectives normales avec l'objet primaire, le sein "pris pour la mĂšre", dotĂ© de ses qualitĂ©s contenantes, liantes, symbolisantes. L'activitĂ© de rĂ©paration tĂ©moigne d'une identification au bon objet primaire et ses capacitĂ©s psychiques. Je crois Ă©galement essentielles les identifications Ă  l'objet total et ses qualitĂ©s symbolisantes contemporaines des transformations induites par la position dĂ©pressive et le dĂ©ploiement du mythe oedipien. C'est dire que dans ma conception de la "rĂ©paration vraie" je mets l'accent sur ses fonctions de liaison et de symbolisation ainsi que la capacitĂ© de percevoir les objets internes et externes dans leur rĂ©alitĂ©. La rĂ©paration m'apparaĂźt comme un vĂ©ritable mouvement psychique, organisateur de la position dĂ©pressive. Tenir compte de la rĂ©paration assumĂ©e par les objets internes eux-mĂȘmes permet le dĂ©passement du seul Ă©lĂ©ment Ă©conomique et privilĂ©gie la complexitĂ© du fonctionnement mental, l'importance des instances, celle du prĂ©conscient et du mĂ©canisme de refoulement et la dimension fondamentale de la dynamique de l'aprĂšs- coup. Comme le souligne D. Meltzer, la rĂ©paration sans adjectif se dĂ©ploie et prend une signification "mystĂ©rieuse" dans ce qui advient et domine dans la position dĂ©pressive et qui rend possible le processus par lequel les objets se rĂ©parent l'un l'autre D. Meltzer, 1978. Il faut comprendre ce processus particulier dans une perspective mĂ©taphorique et structurale. La rĂ©paration passive assurĂ©e par les objets internes rend compte, entre autres, d'une Ă©laboration des fantasmes inconscients oĂč les clivages ne sont plus opĂ©rants et oĂč le plaisir et la crĂ©ativitĂ© ont pris le pas sur le sadisme et la destructivitĂ©. Un Ă©tat oĂč le sujet a renoncĂ© au contrĂŽle sur ses objets. La composante passive dans la rĂ©paration souligne un statut de complexitĂ© de la psychĂ©, de structure psychique vivante. Dans cette optique, la dĂ©tection de la qualitĂ© des fantasmes, conduites et mĂ©canismes de rĂ©paration, permet d'Ă©valuer le mode prĂ©valent du fonctionnement mental, dans et hors du cadre transfĂ©rentiel.
sil est parvenu Ă  faire de l’amour un concept, comme on peut le dire du « dĂ©sir » ou de la « jouissance ». Quoi qu’il en soit, mĂȘme si l’amour n’a pas cette consistance du concept, il a en tout cas une histoire dans le parcours de Lacan, et c’est
Depositphotos Il y a quelque chose d’encore plus fort que l’amour la complicitĂ© Nous aimerions tous rencontrer cette personne qui nous comprend simplement Ă  travers le regard, qui nous rassure avec sa simple prĂ©sence et avec qui nous n’aurions pas besoin de faire semblant d’ĂȘtre une autre personne. La complicitĂ© est un sentiment encore plus fort que l’amour, on pourrait presque dire qu’elle est le ciment de nos relations. Nous dĂ©veloppons un lien si particulier avec des personnes auxquelles nous nous attachons, qu’il permet de renforcer ce lien si spĂ©cial qui nous unit. Lorsqu’il y a cette complicitĂ©, que ce soit en amour ou en amitiĂ©, nous savons que ces personnes seront toujours prĂ©sentes pour nous, que nous pourrons nous tourner vers elles. Elles trouveront toujours les bons mots pour nous rĂ©conforter et nous prendront dans leurs bras pour nous rassurer. Ces personnes nous redonneront toujours de la force et du courage pour surmonter les Ă©preuves de la vie. Cette complicitĂ© nous comble de joie, et nous fait rire bĂȘtement lorsque nous repensons Ă  tout le chemin que nous avons parcouru et comment nous y sommes arrivĂ©s. La complicitĂ© et le langage corporel Depositphotos Certains regards veulent dire bien plus que les mots. Il s’agit de la complicitĂ©, cette relation unique et spĂ©ciale qui est plus forte que l’amour. Aimer une personne, ce n’est pas simplement l’aimer. Aimer une personne, c’est Ă©galement et avant tout la comprendre. Pour dĂ©velopper une complicitĂ©, nous ne devons avoir aucun secret l’un pour l’autre, que ce soit dans nos gestes, nos regards et nos Ă©treintes. Ce sont ces personnes qui sentent lorsque nous allons mal, mĂȘme si nous leur disons le contraire. Elles nous comprennent au-delĂ  des apparences, sans mĂȘme nous regarder ou nous entendre parler. Lorsqu’une complicitĂ© se dĂ©veloppe dans une relation, il se crĂ©e une ambiance particuliĂšre qui relie ces deux personnes. La relation complice se crĂ©e sur des vibrations qui se complĂštent parfaitement Depositphotos Lorsque nous avons un partenaire complice Ă  nos cĂŽtĂ©s, il est capable de nous faire rire sans prononcer un mot, simplement par le regard. Il s’agit d’une personne qui sera toujours lĂ  pour nous soutenir et nous remonter le moral quand nous en avons besoin. Cette personne sera toujours Ă  nos cĂŽtĂ©s pour nous aider Ă  mener nos plus grands combats. Cependant, lorsque nous faisons une erreur ou que nous empruntons la mauvaise voie, elle sera Ă©galement la premiĂšre Ă  nous le faire savoir. Et cela ne signifie pas non plus qu’il n’y a jamais d’incomprĂ©hensions ou de disputes. NĂ©anmoins, la complicitĂ© est avant tout une relation pleine de tendresse et d’affection. Dans cette relation, nous nous acceptons pleinement et n’éprouvons pas le besoin de changer notre essence, nous nous aimons tels que nous sommes, avec nos forces et nos faiblesses. Mais au fond, il n’y a pas d’amis, il n’y a que des complices. Et quand la complicitĂ© cesse, l’amitiĂ© s’évanouit. » Pierre Reverdy
6Lamour, c’est aussi avec Freud le concept de transfert qui est au cƓur de la dĂ©couverte de l’Inconscient et de l’invention de la psychanalyse. En dehors de la psychanalyse, le transfert opĂšre dĂšs le colloque singulier, l’entretien, la consultation, tous dispositifs de parole qui permettent Ă  un sujet d’accĂ©der Ă  un savoir singulier concernant sa jouissance, la façon dont
1 qu'est-ce que le vrai amour inconditionnel 2 amour inconditionnel en psychologie 3 les sentiments ressentis avec l'amour inconditionnel 4 parce que l'amour pur peut changer votre vie 5 comment aimer inconditionnellement quelques conseils L’amour est souvent dĂ©fini comme un sentiment incontrĂŽlable qui nous surprend et nous submerge. En effet sur la base d’une rencontre parfois mĂȘme banale, une personne jusque-lĂ  inconnue et qui ne diffĂšre pas Ă  proprement parler des autres humains se dĂ©tache du lot, nous accroche et subitement nous avons le sentiment de ne plus pouvoir vivre sans elle, de ne pas supporter de ne plus la voire, on ressent le besoin de sa prĂ©sence etc. 1 Amour Inconditionnel Qu’est-ce que la psychologie et les sentiments ?2 Qu’est-ce que le vrai amour inconditionnel3 Amour inconditionnel en psychologie4 Les sentiments ressentis avec l’amour inconditionnel5 Quelques conseils pour aimer inconditionnellement Amour Inconditionnel Qu’est-ce que la psychologie et les sentiments ? Il s’agit lĂ  d’un Ă©tat de manque incomprĂ©hensible dans la mesure oĂč une personne qu’on ne connaissait pas jusque-lĂ  se rĂ©vĂšle indispensable. Des critĂšres de choix ont-t-il sous tendu la sĂ©lection de cette personne et nous confĂšrent par lĂ  un certain contrĂŽle sur les Ă©motions ressenties? ou bien se retrouve-t-on subitement sous l’emprise d’une personne sans aucune rationalitĂ©, avançant uniquement sur la base de notre affectif. Il s’agit lĂ  d’interrogations frĂ©quentes auxquelles nous allons devoir rĂ©pondre. Nous commencerons d’abord par dĂ©finir ce qu’est l’amour inconditionnel ? Ensuite nous expliciterons sa perception en Psychologie, ensuite il va falloir enumerer les diffĂ©rents sentiments qui animent un amour inconditionnel, Et pour finir nous donnerons un mode d’emploi Ă  suivre par ceux qui veulent aimer inconditionnellement. Qu’est-ce que le vrai amour inconditionnel L’amour inconditionnel s’oppose Ă  l’amour conditionnel qui est un amour rationnel ou nous sommes en mesure de dire que telle ou telle chose nous plait chez la personne ou encore nous apprĂ©cions ceci et cela. Pour l’amour inconditionnel, le vrai et qui intĂ©resse notre sujet il s’agit d’un sentiment incontrĂŽlable, qui submerge la personne. Celle-ci se surprend Ă  accepter une façon d’ĂȘtre, des comportements qu’elle jugeait jusque-lĂ  inadmissibles. Ce sentiment se retrouve chez certains amoureux et beaucoup au niveau de la relation parent-enfant. Dans le premier cas, on est conscient des dĂ©fauts de la personne aimĂ©e, mais on les tolĂšre en se disant que les causes d’attraction en elle compensent les sources de rĂ©pulsion. Dans le second cas les sentiments nous submergent Ă  un point tel qu’on perd le sens de la rĂ©alitĂ© et par lĂ  le principe du libre arbitre qui nous permet de dire j’accepte ceci, je refuse cela ». Nous tolĂ©rons la personne dans sa globalitĂ© avec ses bons cĂŽtĂ©s mais aussi en subissant les aspects sombres de sa personnalitĂ©, juste pour continuer Ă  l’avoir Ă  nos cĂŽtĂ©s ou tout simplement pour participer Ă  son bonheur dans le cas par exemple des parents et leur progĂ©niture, pour ne citer que ceux lĂ . Pour rĂ©sumer on a l’impression d’avoir le devoir d’aimer l’autre quoiqu’il advienne. Cela dit, fait-on l’option de subir un amour inconditionnel ou nous tombe-t-il dessus fortuitement ? La rĂ©ponse Ă  ces questions passe immanquablement par l’explicitation des mĂ©canismes qui sou tendent la psychologie du sentiment d’amour inconditionnel. Amour inconditionnel en psychologie La posture de la personne qui aime inconditionnellement est d’accepter une attitude sans la juger qu’elle lui soit agrĂ©able ou pas. Cet amour est agissant parce qu’elle que soit notre opinion face au comportement de l’ĂȘtre aimĂ©e on l’accepte, on l’accueille et on l’accompagne sans colĂšre. Aimer inconditionnellement c’est faire preuve d’abnĂ©gation, de sacrifices parque l’ĂȘtre humain s’épanouit dans son environnement pas la satisfaction Ă©goĂŻste de ses besoins. Dans le cas de l’amour inconditionnel, notre bienĂȘtre est conditionnĂ© par la satisfaction des besoins d’une autre personne dans la mesure oĂč, notre bonheur dĂ©pend de son attitude vis Ă  vis de nous et on pense naĂŻvement qu’en concourant Ă  son Ă©panouissement personnel, il va nous vouer un amour exclusif. C’est la raison pour laquelle bon nombre de psychologues considĂšre l’amour inconditionnel comme un sentiment malsain qui traduit un manque d’estime de soi mĂȘme parce que dĂ©pendant. L’idĂ©e prĂ©dominante qui se dĂ©gage de l’approche psychologique de l’amour inconditionnel est plutĂŽt de ce fait pĂ©jorative. L’amour inconditionnel est dĂ©crit par beaucoup de psychologues comme un sentiment malsain parce que subi. Par contre il peut etre le sentiment rĂȘvĂ© par celui ou celle qui le reçoit. Il est souvent perçu comme une comprĂ©hension empathique » et une acception inconditionnelle » comme disent les auteurs. C’est en quelque sorte la relation idĂ©ale rĂȘvĂ©e. Mais elle est souvent Ă  sens unique et nuit en quelque sorte la qualitĂ© de la relation qui se retrouve dĂ©sĂ©quilibre et crĂ©e ainsi de la souffrance d’un cĂŽtĂ©. Selon le psychothĂ©rapeute spĂ©cialisĂ© en Auto-dĂ©veloppement Jean Garneau il est dĂ©finit dans son article La lettre du psy” Volume 4, No 7 AoĂ»t 2000 comme un amour aliĂ©nant tant pour l’aimant que pour l’aimĂ© . Selon le psychologue l’amour inconditionnel, sans favoriser l’épanouissement personnel peut s’avĂ©rer nuisible. Dans le cas d’un amour inconditionnel, ce sont nos propres attentes que nous rĂ©duisons au maximum, au point de les faire disparaĂźtre. Vu sous cet angle l’amour inconditionnel rend malheureux. Cette posture cadre totalement avec notre perception de l’amour inconditionnel dans la mesure oĂč forcĂ©ment les sacrifices se feront plus d’un cĂŽtĂ© que d’un autre. Il ne s’agit pas de ce fait d’une relation Ă©quilibrĂ©e. Un ensemble de sentiments contradictoires mais cohĂ©rents constituent l’amour inconditionnel. Les sentiments ressentis avec l’amour inconditionnel Ils sont de 2 ordres Les sentiments positifs Le sentiment d’altruisme Il s’agit d’un amour dĂ©sintĂ©ressĂ© pour quelqu’un d’autre, c’est le contraire de l’égoĂŻsme il peut ĂȘtre instinctif comme par exemple le sentiment d’une mĂšre pour son enfant ou encore intĂ©ressĂ© comme pour l’amour inconditionnel entre 2 partenaires oĂč l’on pense qu’un certain altruisme permettra de retenir l’autre. Le sentiment de gĂ©nĂ©rositĂ© En amour le partage, le respect, le dĂ©sir de donner Ă  l’autre ce dont il a besoin est l’ un de grands principes d’une relation durable parce que permettant les compromis nĂ©cessaire Ă  la rĂ©ussite d’une relation. Elle conditionne Ă©galement la capacitĂ© de pardonner, elle inclut Ă©galement l’empathie. Le sentiment de plĂ©nitude C’est tout simplement le sentiment d’épanouissement, de satisfaction Les sentiments nĂ©gatifs Le sentiment de manque C’est le sentiment que nos besoins de sont pas satisfaits, c’est la raison pour laquelle on dĂ©finit souvent l’amour inconditionnel comme un sentiment dĂ©sĂ©quilibre ou malsain pour celui ou celle qui la ressent parce que les sacrifices constants pour retenir ou accepter l’autre telle qu’il est crĂ©ent un sentiment de manque face Ă  ses dĂ©sirs de satisfaction et devant l’égoĂŻsme de la personne qu’on cherche Ă  retenir Le sentiment d’impuissance La personne qui aime d’un amour inconditionnel peut ressentir un sentiment d’impuissance face Ă  son manque de contrĂŽle sur la personne aimĂ©e. Elle doute de son potentiel, de son pouvoir de retenir l’autre. Se crĂ©e alors un sentiment de dĂ©pendance Le sentiment de souffrance Le sentiment de souffrance peut ĂȘtre du au don de soi Ă  l’autre. Ce qui nous empĂȘche parfois d’ĂȘtre heureux. Nous ne prĂ©occupons que de la satisfaction des dĂ©sirs de l’autre au dĂ©triment des nĂŽtres. Cela crĂ©e un sentiment de frustration face Ă  ses besoins de bonheur non assouvis. La dualitĂ© de l’humain Ă©cartelĂ© entre sa conscience et son affectif qui le dĂ©passe, ses penchants contrĂŽlables et ceux qui ne le pas, font qu’il est vouĂ© Ă  ressentir un amour inconditionnel Ă  un moment de sa vie parce qu’il ne le choisit pas. C’est comme un dĂ©cret qui lui tombe dessus et conditionne son bienĂȘtre. C’est pourquoi il serait convenable de donner Ă  toutes fins utiles des rĂšgles pour pouvoir aimer inconditionnellement Quelques conseils pour aimer inconditionnellement Pour aimer inconditionnellement il faut passer par diffĂ©rentes Ă©tapes Etape 1 aller vers les autres, crĂ©er des occasions de rencontres extraordinaires Etape 2 Ouvrir son cƓur ou savoir se mettre en retrait, acceptĂ© qu’une autre personne soit au premier plan de notre vie. Etape 3 Etre capable d’empathie ou ressentir l’état d’ñme de l’autre, savoir se mettre Ă  sa place, anticiper sur ses dĂ©sirs mĂȘme s’ils ne sont pas formulĂ©s. Etape 4 Etre capable de transcender, de ressentir un esprit de dĂ©passement face aux dĂ©fauts et aux faiblesses humaines Etape 5 Etre capable d’un rĂ©el don de soi. Le don de soi c’est d’accepter d’accompagner une personne quel que soit son Ă©tat, ses besoins et de fournir les efforts pour ce faire aussi dur qu’ils soient Tout ceci dans le bonheur et la joie pour que l’autre puisse se sentir heureux d’ĂȘtre avec nous. Nous dirons pour conclure que l’amour inconditionnel est une arme Ă  double tranchant. Chacun sĂ©lectionne son mode de vie en fonction de ses besoins Ă©motionnels. ils peuvent-ĂȘtre exacerbĂ©s et crĂ©er un dĂ©sir de ressentir un amour inconditionnel ou de la recevoir. La vie est faite de compromis et l’ĂȘtre humain complexe. Pour que la rencontre de deux ĂȘtres donne naissance Ă  une relation durable, il faut forcement que l’un des deux soit capable de s’oublier et ce ne peut ĂȘtre que celui qui ressent un amour inconditionnel. Si on part de ce postulat ĂȘtre capable d’amour inconditionnel n’est-il pas plutĂŽt un gage de rĂ©ussite dans ses relations et par lĂ  de bonheur.
Denombreuses expĂ©riences de psychologie montrent que l’inconscient est trĂšs puissant et que des mĂ©canismes inconscients sont Ă  l’Ɠuvre dans la plupart de nos comportements, choix
L’amour nous tombe dessus. Rencontre avec le rĂ©el. Et avec le virtuel? Qu’est-ce qu’aimer ? Qu’est-ce que l’état amoureux? On aime son compagnon ou sa compagne, ses enfants, ses parents, ses amis, on aime des gens que l’on rencontre le temps d’une soirĂ©e, de temps en temps, une amitiĂ© qui traverse le temps, ses animaux, ses voisins etc. C’est Ă  chaque fois un amour nouveau, unique, qui peut trĂšs bien avoir un air de dĂ©jĂ  vu ou pas. L’état amoureux est une dimension particuliĂšre de l’amour. On y met au moins une partie de nous-mĂȘmes quand on ne s’y engage pas tout entier. Il y a des repĂšres qui changent de place, on ne se reconnaĂźt pas tout Ă  fait, on dĂ©couvre un aspect de soi qu’on ne savait pas. Des choses qui avaient de l’importance semblent futiles, et d’autres deviennent essentielles. C’est le rĂ©el qui change, l’impossible ou l’inconcevable se dĂ©placent. Un Ă©vĂ©nement s’est produit. Ce dĂ©placement du rĂ©el peut aussi ĂȘtre l’effet des rĂ©seaux sociaux, de la communication par internet et des bouleversements des rapports entre les gens qui sont considĂ©rables. LĂ  aussi le rĂ©el a bougĂ©, nous en parlerons plus tard. Donc l’état amoureux a toujours un aspect passionnel. C’est dire que l’état amoureux est une passion. La passion amoureuse en est une variante. Freud et Lacan n’ont pas construit une thĂ©orie de l’amour. Ce qu’est l’amour Ă©chappe sans cesse Ă  quiconque veut fabriquer un modĂšle, c’est comme une anguille qui Ă©chappe indĂ©finiment des mains et qu’on ne peut pas attraper. L’amour ne peut se dire que par une dĂ©claration, dĂ©claration d’amour. C’est-Ă -dire par une Ă©nonciation d’un sujet. Lors d’une relation amoureuse, cette dĂ©claration est toujours attendue, voire traquĂ©e si tu me dis ceci, cela veut dire que tu m’aimes ». Elle peut ĂȘtre aussi codifiĂ©e, il est surprenant d’observer aujourd’hui, le retour de la demande en mariage Ă  la mode amĂ©ricaine des annĂ©es 50 ou 60, ritualisĂ©e par la cĂ©rĂ©monie de la bague. Et quand cette dĂ©claration ne s’est pas produite, cela laisse un trou, un manque. Qui n’a pas entendu des phrases comme Je sais que mon pĂšre m’aimait, il ne me l’a jamais dit, mais il me l’a montrĂ© ». En effet, l’amour se manifeste par des signes. L’amour fait signe » dit Lacan. La dĂ©claration est ce qui permet Ă  l’amour de s’inscrire dans le langage et la parole, d’ĂȘtre subjectivĂ©, de ne pas ĂȘtre qu’imaginaire. Ainsi, dans une cure analytique, lorsqu’un sujet fait une dĂ©claration Ă  son analyste, quand cela arrive, cela lui permet d’entamer le travail qui lui permettra de destituer son analyste du statut d’Autre vers celui d’autre, un homme ou une femme quelconques. Ce que n’autorise pas Socrate, dans le Banquet, lorsqu’il dit Ă  Alcibiade Ce n’est pas moi que tu aimes, mais Agathon ». Il lui dĂ©signe un autre Autre, un autre idĂ©al. C’est en ce sens que le transfert est Ă  entendre comme un nouvel amour et non pas comme la rĂ©pĂ©tition d’un amour de l’enfance. De mĂȘme, si on dit Ă  un analysant ce n’est pas moi que vous aimez, mais quelqu’un d’autre, votre pĂšre ou votre mĂšre etc. », on ne fait que renforcer l’aspect imaginaire de l’amour de transfert. Ce sentiment d’aimer a un aspect familier, dans les deux sens de familier ce qu’on connait et ce qui est de la famille; et aussi un aspect Ă©trange, Ă©tranger. Nommer ce sentiment amour », lui attribuer un signifiant, permet que cet amour puisse se dĂ©rouler, qu’on puisse se dĂ©clarer et aussi, Ă  travers ce signifiant Ă©trange d’amour, de concilier cet aspect familier et Ă©tranger en mĂȘme temps. On peut ainsi accepter ce changement considĂ©rable qu’est l’état amoureux qui nous tombe littĂ©ralement dessus en disant je suis amoureux ». L’amour est partout. Freud nous dit que l’hainamoration, est le premier sentiment humain. L’hainamoration, c’est ce concept inventĂ© par Lacan qui nous dit que l’amour et la haine sont une mĂȘme chose mais que l’on peut percevoir comme diffĂ©rentes en fonction des points de vue sous un aspect c’est de l’amour, sous un autre c’est de la haine. Lorsqu’on parle d’hainamoration, n’ignorons pas l’ignorance, l’amour ne rend-il pas aveugle? La littĂ©rature est nourrie par l’amour. Que serait la littĂ©rature sans l’amour? Chaque Ă©crivain, chaque roman ou poĂšme raconte un amour singulier, unique qui nous embarque dans une nouvelle histoire d’amour. La psychanalyse ne peut donner de reprĂ©sentation de ce qu’est l’amour, en gĂ©nĂ©ral, elle ne peut formaliser ce qu’il se passe que lors d’un amour particulier. Lacan parle de l’amour de tellement de façons diffĂ©rentes, qu’en faire le catalogue devient une Ă©numĂ©ration. Il avance nombres d’élĂ©ments Ă©clairants sur l’amour, et cela concerne l’amour de transfert. Cela nous Ă©clairera tout au long de ce travail sur l’amour. S’il a dĂ©veloppĂ© une thĂ©orie de l’amour, c’est celle de l’amour de transfert pour l’analyste. Il donne des indications trĂšs prĂ©cises aux analystes pour leur permettre de se repĂ©rer dans l’amour de transfert du cĂŽtĂ© de l’analyste. C’est la thĂ©orie du dĂ©sir de l’analyste. C’est donc Ă  partir de la question du dĂ©sir que l’on interroge celle de l’amour. DĂ©sir et amour sont intriquĂ©s dans l’amour de transfert, et ils sont tout autant intriquĂ©s dans l’état amoureux. Le dĂ©sir et l’amour ont probablement des visĂ©es diffĂ©rentes, mais ils agissent ensemble comme les doigts d’une main. On ne se sert pas de tous ses doigts Ă  chaque fois qu’on utilise sa main. Ainsi, quand Freud vient nous dire que l’amour de transfert est un vĂ©ritable amour, nous pouvons entendre qu’il s’agit d’un Ă©tat amoureux, et donc d’une forme de passion. Et quand nous parlons de l’amour de transfert, nous parlons d’un Ă©tat amoureux qui se produit avec une analyste. C’est-Ă -dire qu’il se vit dans un cadre dĂ©terminĂ© par une psychanalyste le rythme et la durĂ©e des sĂ©ances, le paiement, l’abstinence physique Ă©videmment, mais surtout l’abstinence pour l’analyste de dĂ©claration d’amour. C’est la fonction du dĂ©sir d’analyste de permettre Ă  un analyste de ne manifester aucun signe d’amour Ă  son analysant. DĂšs qu’un analyste manifeste Ă  son patient un aspect de l’image qu’il se fait de lui, de son Ă©go, de ce qu’on appelle son idĂ©al du moi, cela peut avoir valeur de dĂ©claration. Pour le dire autrement, le psychanalyste, animĂ© de son dĂ©sir d’analyste, occupe une place vide, ne demande pas Ă  ĂȘtre aimĂ©, ni Ă  aimer. Il ne doit donner aucun signe de la prĂ©sence en lui des agalmata, c’est-Ă -dire des objets visĂ©s par le patient dans l’amour de transfert, ni d’un savoir sur ce qu’est l’amour. Il faut, dira alors Lacan qu’en quelque maniĂšre nous puissions pour un temps reprĂ©senter non point l’objet comme on le croit.., non point l’objet que vise le dĂ©sir mais le signifiant[1] ». L’analyste n’a pas le phallus, il est lĂ  dans son manque Ă  ĂȘtre, c’est-Ă -dire dans son dĂ©sir, ici, dĂ©sir d’analyste. Il s’agit d’ĂȘtre lĂ  sans raison d’ĂȘtre. Le dĂ©sir d’analyste est dĂ©sir de diffĂ©rence absolue. Le signifiant Ă©tant dans son essence diffĂ©rence, le dĂ©sir d’analyste est dĂ©sir du signifiant. Il dĂ©sire le signifiant ϕ, et non pas le phallus rĂ©el ni imaginaire. Lacan poursuit il faut savoir remplir sa place en tant que le sujet doit pouvoir y repĂ©rer le signifiant manquant .. Au dernier terme, je dis au dernier terme, bien sĂ»r, Ă  l’horizon de ce qu’est notre fonction dans l’analyse, nous sommes lĂ  en tant que ça, ça justement qui se tait et qui se tait en ce qu’il manque Ă  ĂȘtre[2] ». Autrement dit, lĂ  oĂč l’analysant s’en remet Ă  un savoir supposĂ©, l’analyste rĂ©pond par son manque Ă  ĂȘtre. C’est sur ce point prĂ©cis que se diffĂ©rencient l’amour de transfert de l’amour commun, hors d’une cure analytique, c’est la seule particularitĂ© de l’amour de transfert, qui est, Ă  part cela, un Ă©tat amoureux parmi d’autres. Alors, on peut considĂ©rer que ce que Lacan a dĂ©veloppĂ© Ă  partir de l’amour courtois est Ă  prendre comme une mĂ©taphore de ce qu’il en est du cĂŽtĂ© de l’analyste de l’amour de transfert. Ainsi, lorsque nous parlons, ce soir, d’amour nous nous appuyons de l’état amoureux dans le transfert. Mais cela dĂ©crit Ă©galement ce qu’il se passe lors de n’importe quel Ă©tat amoureux. Ainsi, c’est l’état amoureux qui est ce que Freud dĂ©crit comme proche ou Ă©quivalent d’un Ă©tat pathologique, et Lacan comme d’une catastrophe psychologique. A y bien rĂ©flĂ©chir, ce changement provoquĂ© par l’amour, l’état amoureux, est extraordinaire. On accepte des choses que l’on n’a jamais acceptĂ©es ou que l’on n’accepterait de nul autre. On peut accepter d’ĂȘtre maltraitĂ© confĂšre les femmes battues, mais aussi des hommes humiliĂ©s , on peut accepter des souffrances Ă©normes confĂšre le syndrome de Stockholm , on refuse de voir des Ă©vidences que tout le monde voit sauf l’amoureuxse, on se sent capable de dĂ©placer des montagnes, on n’est plus soi-mĂȘme, on se dĂ©couvre des ressources insoupçonnĂ©es et la liste est loin d’ĂȘtre exhaustive, chacun y mettra ses expĂ©riences. Bref, il s’est produit un Ă©vĂ©nement, un fait du rĂ©el, non traumatique, en gĂ©nĂ©ral, car il n’effracte pas le fantasme et, de plus, il est intĂ©grĂ© dans le langage et la parole par le signifiant amour. Ce signifiant est absent dans le syndrome de Stockholm, ce qui accentue le trauma, qui de ce fait ne peut pas ĂȘtre symbolisĂ©. Le syndrome de Stockholm prĂ©sente toutes les caractĂ©ristiques d’un Ă©tat amoureux avec la surestimation de l’objet ou son idĂ©alisation, la tendresse plus que la sexualitĂ© pour le bourreau on comprend ses motivations et aussi l’investissement libidinal. Il y manque la dĂ©claration qui seule diffĂ©rencie cet amour de celui d’une femme battue. Ces deux Ă©tats amoureux, qui n’en forment plutĂŽt qu’un seul, mettent en Ă©vidence le dĂ©ni de rĂ©alitĂ© que l’on retrouve toujours dans l’amour, cette passion de l’ignorance toujours prĂ©sente et ignorĂ©e par le sujet. Alors comment rendre compte de ce bouleversement chez un sujet? L’idĂ©e m’a Ă©tĂ© donnĂ©e par Robert LĂ©vy qui m’a parlĂ© de dĂ©placement du rĂ©el ». La dĂ©finition du rĂ©el donnĂ©e par le Dictionnaire de la psychanalyse » semble fĂ©conde Ce que l’intervention du symbolique pour un sujet expulse de la rĂ©alitĂ© ». Ainsi, ce n’est pas un hasard, si Lacan a situĂ© le troisiĂšme passion, aprĂšs l’amour et la haine, Ă  savoir l’ignorance, entre le symbolique et le rĂ©el. Dans l’amour comme passion, la passion de l’ignorance est toujours prĂ©sente et produit des effets sur le rapport avec le rĂ©el. Continuons Ă  lire cet article qui dit Selon J. Lacan, le rĂ©el ne se dĂ©finit que par rapport au symbolique et Ă  l’imaginaire. Le symbolique l’a expulsĂ© de la rĂ©alitĂ©. Il n’est pas cette rĂ©alitĂ© ordonnĂ©e par le symbolique, appelĂ©e par la philosophie reprĂ©sentation du monde extĂ©rieur’. Mais il revient dans la rĂ©alitĂ© Ă  une place oĂč le sujet ne le rencontre pas, sinon sous la forme d’une rencontre qui rĂ©veille le sujet de son Ă©tat ordinaire. DĂ©fini comme l’impossible, il est ce qui ne peut ĂȘtre complĂštement symbolisĂ© dans la parole ou l’écriture et, par consĂ©quent, ne cesse pas de ne pas s’écrire[3] ». L’état amoureux apparaĂźt ainsi comme une rencontre avec le rĂ©el qui rĂ©veille le sujet de son Ă©tat ordinaire ». Cette rencontre n’est pas nĂ©cessairement traumatique, car le fantasme intervient pour empĂȘcher le sujet de rencontrer l’ĂȘtre de l’autre. Cette rencontre est toujours ratĂ©e, sauf si la barriĂšre du fantasme ne tient pas, on peut alors, parfois, observer une entrĂ©e dans la psychose dans la rencontre avec le rĂ©el d’un autre. C’est une constante dans l’Ɠuvre de Lacan, d’affirmer que l’amour s’adresse Ă  l’ĂȘtre. Si la question de l’ĂȘtre est un concept philosophique, ontologique, ce que j’y entend aujourd’hui est que cet ĂȘtre » pourrait ĂȘtre le rĂ©el de l’Autre, ce qui d’ailleurs ne nous avance guĂšre plus sur ce que pourrait ĂȘtre cet ĂȘtre », si mystĂ©rieux d’un point de vue analytique, que Lacan dans le sĂ©minaire sur l’identification dĂ©finit comme l’identification du sujet Ă  l’objet a[4]. Ce rĂ©el rencontrĂ© va ĂȘtre symbolisĂ©, comme nous l’avons vu, par la dĂ©claration, et de ce fait devient la rĂ©alitĂ© d’un sujet. Mais une part de ce rĂ©el n’est pas symbolisĂ©, revient Ă  la mĂȘme place oĂč le sujet ne le rencontre pas. Cela fait que l’amour Ă©chappe toujours Ă  une conceptualisation, qu’il garde toujours une part d’inapprĂ©hendable. La symbolisation permet d’apprivoiser cette expĂ©rience de l’état amoureux, de le subjectiver par l’intermĂ©diaire du fantasme, et d’éviter, la plupart du temps, que cela devienne une expĂ©rience traumatique. Ainsi, l’état amoureux vient dĂ©placer ce qui Ă©tait de l’ordre de l’impossible. L’impossible Ă©tant ce qui dĂ©finit le rĂ©el. Alors, il apparaĂźt qu’ aimer, c’est ouvrir les possibles ». L’état amoureux a pour effet de dĂ©placer le rĂ©el, de l’impossible devient possible et du possible peut devenir impossible, irreprĂ©sentable. Ce n’est pas le but de l’amour mais son effet. Pour avancer sur cette question, nous allons envisager ce qu’il se passe lors de ces amours virtuelles permises par l’internet, et de rendre compte des effets de cette forme particuliĂšre de l’amour sur le dĂ©sir. Internet et les rĂ©seaux sociaux ont changĂ©s considĂ©rablement le rĂ©el. Les distances et le rapport au temps ont Ă©tĂ© modifiĂ©s. On peut communiquer » instantanĂ©ment avec n’importe qui dans le monde entier. C’est un authentique bouleversement de l’espace-temps, un authentique dĂ©placement du rĂ©el. Nos patients tĂ©moignent de ces amours virtuelles avec ou sans rencontres des corps, qui les rĂ©veillent de leurs Ă©tats ordinaires », qui les tiennent Ă©veillĂ©s des nuits entiĂšres devant leurs Ă©crans, claviers ou tĂ©lĂ©phones, qui les transcendent tout entiers. Ces amours, on peut les qualifier de virtuelles, car elles se passent au travers d’un Ă©cran, sans contact direct, sans prĂ©sence rĂ©elle. Il n’y a pas de raison de dĂ©nier Ă  ces formes d’amour leur caractĂšre de vĂ©ritable amour. En effet, ce que rĂ©clame l’amour c’est une prĂ©sence Or, c’est Ă  la question posĂ©e Ă  l’Autre de ce qu’il peut nous donner, de ce qu’il a Ă  nous rĂ©pondre, c’est Ă  cette question que se rattache l’amour comme tel ; non pas que l’amour soit identique Ă  chacune des demandes dont nous l’assaillons, mais que l’amour se situe dans l’au-delĂ  de cette demande en tant que l’Autre peut ou non nous rĂ©pondre comme derniĂšre prĂ©sence[5] ». En Ă©coutant quelques patients parler de leurs amours, via les rĂ©seaux sociaux ou une messagerie, il devient rapidement Ă©vident qu’il s’agit d’amour; de plus quand un sujet affirme ĂȘtre amoureux, il y a lieu de l’entendre comme tel, il est amoureux. En effet, dire qu’il n’est pas amoureux revient Ă  dire que l’on sait ce qu’est l’amour. Ce que relĂšve Lacan dans le sĂ©minaire Le transfert » est que le savoir » de Socrate sur l’amour consiste en ce qu’il ne sait pas ce qu’est l’amour. Ainsi, ce que sait un psychanalyste sur l’amour, outre le fait qu’il sait que ce qui opĂšre c’est un savoir supposĂ©, c’est que dans le transfert, il y rĂ©pond par son manque Ă  ĂȘtre; ceci s’articule avec le fait que l’amour s’adresse Ă  l’ĂȘtre et que dans la cure, l’analysant y trouvera un manque. C’est cette question qui a amenĂ© Lacan Ă  faire le sĂ©minaire sur le transfert. Il y a cherchĂ©, sans vĂ©ritablement aboutir dans ce sĂ©minaire, Ă  montrer que le sujet cherche l’amour et trouve son dĂ©sir. Commençons, concernant ces amours par internet, par une vignette clinique un homme traverse une rupture trĂšs douloureuse, il est au bord du gouffre, et vient de loin presque chaque jour, Ă  sa demande. Il vient, Ă  mon avis, chercher une prĂ©sence dans le cadre de l’amour de transfert, qui lui assure une prĂ©sence rĂ©elle. Sa solitude est atroce. Et tout d’un coup, il ne tĂ©lĂ©phone plus et ne revient qu’à la date de la sĂ©ance prĂ©vue oĂč il dit qu’il a fait une rencontre. C’est une femme avec laquelle il avait eu une petite aventure Ă  l’adolescence et qu’il avait perdue de vue. Lors de cette rencontre, il ne se passe rien, ils ne font que boire un verre assez rapidement. Elle vit en couple et lui confie que cela ne va plus trĂšs bien dans son couple, c’est tout, probablement quelques regards et une bise. Mais ce patient est transformĂ©, il va tout de suite beaucoup mieux. Que s’est-il passĂ©? Il dit qu’il est pressĂ© de rentrer chez lui le soir, aprĂšs un travail trĂšs prenant et surtout qu’il n’est plus seul. La prĂ©sence de l’ĂȘtre aimĂ© est effective par l’échange constant de messages. Une prĂ©sence lui est assurĂ©e, une prĂ©sence virtuelle. Cet amour lui assure la prĂ©sence de l’Autre. Lacan dit dans le sĂ©minaire Les formations de l’inconscient » Puisque tout dĂ©pend de l’Autre, la solution c’est c’est d’avoir un Autre tout Ă  soi. C’est ce qu’on appelle l’amour[6] ». Le dĂ©sir est trĂšs prĂ©sent, dit-il, mais il se satisfait d’activitĂ©s masturbatoires, ou comme dit Freud auto-Ă©rotiques. Il est intĂ©ressant, ici, de noter ce que dit Lacan de l’auto-Ă©rotisme dans le sĂ©minaire L’angoisse » Et c’est Ă  cela que rĂ©pond le vrai sens, le sens le plus profond Ă  donner au terme d’ auto-Ă©rotisme » c’est qu’on manque de soi, si je puis dire, du tout au tout. Ce n’est pas du monde extĂ©rieur qu’on manque, comme on l’exprime improprement, c’est de soi-mĂȘme[7] ». A une image ia dĂ©faillante ou fragile rĂ©pond un amour narcissique comme une tentative de rĂ©paration en lui substituant une image idĂ©alisĂ©e de soi-mĂȘme i’a. Ainsi, cette vignette est une description d’un amour narcissique dans le plein sens du terme. Il a envie de la voir, mais n’y montre aucun empressement, disant que c’est parce qu’elle est en couple. La prĂ©sence rĂ©elle de l’autre ne semble plus nĂ©cessaire, le virtuel permet l’illusion d’une prĂ©sence rĂ©elle effectuĂ©e par une prĂ©sence essentiellement imaginaire, virtuelle. Une petite histoire drĂŽle, ancienne et sexiste, illustre cette affaire entre rĂ©el et virtuel un garçon prĂ©pubĂšre demande Ă  son pĂšre la diffĂ©rence entre rĂ©el et virtuel. Son pĂšre lui dit je vais te montrer. Il appelle sa fille, grande adolescente et lui dit accepterais-tu de coucher avec un homme pour un million, la jeune femme rĂ©flĂ©chit et rĂ©pond oui. Puis le pĂšre appelle sa femme, lui pose la mĂȘme question et obtient la mĂȘme rĂ©ponse. Le pĂšre se tourne vers son fils et lui dit tu vois on a virtuellement deux millions et rĂ©ellement on a deux putes. Cette blague est bien misogyne, j’aurais pu remplacer l’adolescente par un ado gay, pour faire plus actuel, mais j’ai prĂ©fĂ©rĂ© en garder l’original. Ces amours vĂ©ritables oĂč la prĂ©sence rĂ©elle des corps n’est plus nĂ©cessaire, une photo peut suffire, sont des amours qui ne peuvent ĂȘtre que purement imaginaires et donc entiĂšrement narcissiques. Cela pose la question de savoir si, ce qui est aimĂ©, n’est pas nĂ©cessairement soi-mĂȘme. Y a-t-il des amours qui ne sont pas narcissiques? Lucien IsraĂ«l a toujours Ă©voquĂ© ce qu’il appelait l’amour transnarcissique. Je pense que cela est possible, en particulier aprĂšs une analyse, d’aimer un autre pour ce qu’il est et ce qu’il n’est pas. En effet, cela n’est pas la mĂȘme chose que d’aimer quelqu’un qui peut correspondre Ă  un idĂ©al, ce qui a pour consĂ©quence de ne pouvoir l’aimer que tant qu’il peut correspondre Ă  cet idĂ©al; que d’idĂ©aliser quelqu’un parce qu’on l’aime, cet idĂ©alisation n’empĂȘchant pas nĂ©cessairement de le voir comme il est, avec une survalorisation de ses qualitĂ©s et une minoration de ce qui est moins agrĂ©able. Alors, la façon d’aimer a-t-elle un impact sur le dĂ©sir pour l’aimĂ©e? Ainsi de quel dĂ©sir pourra-t-il s’agir dans ces amours virtuelles? Lacan est clair sur cela, il n’y a plus de place pour le dĂ©sir, il ne s’agit que de satisfactions auto-Ă©rotiques, masturbatoires, oĂč il n’y a pas de place pour l’autre. Il dit dans le sĂ©minaire L’identification » Je dĂ©sire l’autre comme dĂ©sirant. Et quand je dis comme dĂ©sirant, je n’ai mĂȘme pas dit, je n’ai expressĂ©ment pas dit comme me dĂ©sirant. Car c’est moi qui dĂ©sire, et dĂ©sirant le dĂ©sir, ce dĂ©sir ne saurait ĂȘtre dĂ©sir de moi que si je me retrouve Ă  ce tournant, lĂ  oĂč je suis, bien sĂ»r, c’est-Ă -dire si je m’aime dans l’autre, autrement dit si c’est moi que j’aime. Mais alors j’abandonne le dĂ©sir[8] ». Il poursuit Ă  la page suivante L’arrachement dans l’amour qui met tout ce qu’on peut ĂȘtre soi-mĂȘme de dĂ©sirable hors de la portĂ©e du chĂ©rissement, si je puis dire[9] ». On ne peut se prendre comme son propre objet de dĂ©sir, on ne peut se dĂ©sirer soi-mĂȘme. Ce qu’on dĂ©sire de soi chez un autre ne peut pas ĂȘtre aimĂ©. Le dĂ©sir, qui est dĂ©sir de dĂ©sir, dĂ©sir du dĂ©sir de l’Autre, apparaĂźt comme une limite Ă  la jouissance, narcissique, ici. Pour le dire autrement, on n’aime pas le dĂ©sir pour soi-m’aime. Alors, ces amours virtuelles ne sont-elles pas une forme de rĂ©gression Ă  des amours prĂ©gĂ©nitaux? Voire mĂȘme Ă  un stade antĂ©rieur au stade phallique, qui permet de diffĂ©rencier entre l’ĂȘtre et l’avoir; question que l’on ouvrir, entendre ainsi l’ĂȘtre » se dĂ©termine-t-il par le fait d’avoir ou pas le phallus? Avant le stade phallique, le sujet, l’enfant peut ĂȘtre le phallus en tant qu’ĂȘtre, et Ă  ce moment il s’agit d’un ĂȘtre » essentiellement imaginaire, tandis qu’aprĂšs ce stade, avoir ou pas le phallus imaginaire, rĂ©el et mĂȘme symbolique si on peut dire , n’a rien Ă  faire avec l’ĂȘtre ». Ceci Ă©tant une lecture de cette question de l’ĂȘtre et de l’avoir qui se pose pour un sujet Ă  partir du stade phallique. Ainsi, ce dĂ©placement du rĂ©el, permis par internet, peut conduire des sujets Ă  se satisfaire de relations amoureuses oĂč l’autre n’existe qu’en tant qu’ĂȘtre imaginaire, ce qu’est cet autre n’a aucune importance, il peut ĂȘtre remplacĂ© sans aucune perte, sans travail de symbolisation de cette perte, c’est-Ă -dire sans deuil. Ce qui disparaĂźt dans cette affaire, c’est le dĂ©sir dans le sens oĂč on peut se passer de l’objet a cause de dĂ©sir. On se contente d’une satisfaction narcissique par soi-mĂȘme, par son imaginaire, grĂące Ă  l’illusion virtuelle d’avoir deux millions. Le prix Ă  payer pour ces amours narcissiques est la disparition du corps de l’autre, la disparition du dĂ©sir en tant que dĂ©sir du dĂ©sir de l’Autre. Cela produit un discours qui est structurĂ© comme le discours du capitaliste, qui tourne sans cesse, avec des effets aussi addictivants, que ceux que l’on observe dans ces amours virtuelles, oĂč rien ne manque, peut ĂȘtre pas mĂȘme le manque du manque. C’est dire que a ne manque Ă  A, Ă  l’Autre. Mais cette derniĂšre question fera l’objet d’un autre travail. Philippe Woloszko. Metz le 14 novembre 2019. [1] Jacques Lacan. sĂ©minaire VIII. Le transfert dans sa disparitĂ© subjective, sa prĂ©tendue situation, ses excursions techniques. Version SĂ©ance du 3 mai 1961. [2] Ibid. [3] Dictionnaire de la psychanalyse. Sous la direction de Roland Chemama. Larousse. 1993. [4] J. Lacan. SĂ©minaire IX. L’identification. Version Valas P 186 Ce a s’appelle a dans notre discours, non seulement pour la fonction d’identitĂ© algĂ©brique que nous avons prĂ©cisĂ©e l’autre jour, mais si je puis dire – humoristiquement – pour ce que c’est ce qu’on n’a plus ». C’est pourquoi on peut le retrouver par voie rĂ©gressive sous forme d’identification, c’est-Ă -dire Ă  l’ĂȘtre ce a, ce qu’on n’a plus. C’est exactement ce qui fait – par Freud – mettre le terme de rĂ©gression exactement Ă  ce point oĂč il prĂ©cise les rapports de l’identification Ă  l’amour. Mais dans cette rĂ©gression
 oĂč a reste ce qu’il est instrument 
c’est avec ce qu’on est qu’on peut, si je puis dire, avoir ou pas ». [5] J. Lacan. SĂ©minaire Le transfert 
 Op. Cit. P132. [6] J. Lacan. SĂ©minaire V. Les formations de l’inconscient. Version Valas. P 133. [7] J. Lacan. SĂ©minaire X. L’angoisse. Version Valas. P 187. Voici la citation complĂšte Les morceaux du corps originel sont ou non pris, saisis, au moment oĂč ia a l’occasion de se constituer. C’est pourquoi nous devons saisir qu’avant le stade du miroir, ce qui sera ia est lĂ , dans le dĂ©sordre des petits a, dont il n’est pas question encore de les avoir ou pas. Et c’est Ă  cela que rĂ©pond le vrai sens, le sens le plus profond Ă  donner au terme d’ auto-Ă©rotisme » c’est qu’on manque de soi, si je puis dire, du tout au tout. Ce n’est pas du monde extĂ©rieur qu’on manque, comme on l’exprime improprement, c’est de soi-mĂȘme. [8] SĂ©minaire IX. Op. Cit. P 200. [9] Ibid. P 201. SHARE IT 165views, 20 likes, 8 loves, 11 comments, 2 shares, Facebook Watch Videos from Association L’Arche De Manue: Nos 6 petits bout d‘amour pris en charge 165 views, 20 likes, 8 loves, 11 comments, 2 shares, Facebook Watch Videos from Association L’Arche De Manue: Nos 6 petits bout d‘amour pris en charge hier avec leur maman que l’on a nommĂ©e SOPHIE
RĂ©sumĂ©. En partant d’un cas clinique d’érotomanie est dĂ©veloppĂ©e une rĂ©flexion sur la pratique du transfert dans la psychose. Ce cas nous fait enseignement d’une part sur la maniĂšre dont peut ĂȘtre assumĂ© le transfert avec le sujet psychotique, et d’autre part sur ce que le sujet invente comme solution autogĂšne, ici dĂ©lirante, pour parer Ă  l’éminence du rapport mortifĂšre Ă  sa psychose. Le clinicien doit pouvoir trouver lĂ  un modĂšle de sa visĂ©e de thĂ©rapeute, soit l’instauration d’une fonction de limite de la jouissance. Article Au commencement de la psychanalyse Ă©tait l’amour », nous rappelle Solal Rabinovitch1. C’est en effet par les premiĂšres manifestations du transfert que la question de l’amour s’est introduite dans la pensĂ©e analytique, dĂ©s ses dĂ©buts. Il n’est pas la peine de rappeler la cure d’Anna O. par Breuer et Freud, ni l’insistance de Lacan sur ce point qui y consacra une annĂ©e entiĂšre de son sĂ©minaire. Mais c’est en passant par cet amour fou qu’est l’érotomanie que j’ai souhaitĂ© aborder la pratique clinique de la psychose, qui ne peut Ă©viter la question du transfert avec les sujets psychotiques. Je vais alors tenter de tĂ©moigner d’un transfert psychotique et de son maniement dans une cure, Ă  travers ce rĂ©cit clinique, qui viendra aussi nous enseigner l’intĂ©rĂȘt pour le sujet de la solution Ă©rotomaniaque, mais aussi ses quelques dĂ©convenues. Cette patiente, ĂągĂ©e de 53 ans quand elle est venue me consulter sur les recommandations de la mĂ©decine du travail, m’avait Ă©tĂ© adressĂ©e parce qu’elle s’était embringuĂ©e dans un jeu de sĂ©duction avec un jeune Ă©narque ». Ce sont ses mots. Avant d’exposer cette folie amoureuse dont elle Ă©tait venue me parler, je dois vous retracer les principaux Ă©lĂ©ments de son parcours. Elle est issue d’une famille modeste de charpentiers, mais son pĂšre, qui n’avait jamais eu beaucoup de goĂ»t Ă  cela, avait revendu l’entreprise familiale et s’était reconverti comme secrĂ©taire d’une petite mairie de village. Il dĂ©cĂšdera prĂ©cocement, Ă  l’adolescence de la patiente, d’un infarctus. Elle le dĂ©crit comme rĂ©servĂ© et peu prĂ©sent dans l’éducation de ses enfants, peu de place lui Ă©tant d’ailleurs laissĂ©e par son Ă©pouse. Je ne retrouvais pas de trace chez elle d’un quelconque attachement Ă  ce pĂšre, que ce soit en bien ou en mal, seule apparaissait une certaine indiffĂ©rence Ă  son Ă©gard. Les phĂ©nomĂšnes de sa psychose laissent supposer qu’aucune mĂ©taphore paternelle ne rĂ©ussit Ă  s’établir, aucun autre ne venant supplĂ©er Ă  ce pĂšre pour assurer cette fonction paternelle Ă  mĂȘme d’orienter le dĂ©sir de sa mĂšre. Sa mĂšre, qui habite toujours en province, est dĂ©crite, elle, comme trĂšs autoritaire. Elle se montrait trĂšs dure, surtout avec ses deux filles, la patiente y voit d’ailleurs comme consĂ©quence qu’elle et sa sƓur se sont mariĂ©es Ă  des Ă©trangers. Elle nous a Ă©crasĂ©, elle nous a mis des bĂątons dans les roues, encore aujourd’hui, elle rĂ©pond Ă  notre place ». A d’autres moments cependant, elle en parle comme d’un vĂ©ritable pilier » pour elle, sans elle, je m’effondre ». L’Autre maternel se prĂ©sente, dans son discours, d’emblĂ©e sous ses deux versants, l’un persĂ©cuteur, l’autre qui maintient en vie, tout comme dans le rapport du PrĂ©sident Schreber au dieu de son dĂ©lire, une Ă©rotomanie divine»5ref]Lacan, J. 1981.Les psychoses, 1955-1956, Seuil, dira Lacan. De son enfance, peu de souvenirs, sinon une atmosphĂšre pesante. Elle Ă©tait l’ainĂ©e de la fratrie, a eu une sƓur et deux frĂšres. Le seul Ă©lĂ©ment notable est qu’elle souffrait d’un tic provoquant un mouvement de tĂȘte qui dit non, ce qui n’est pas n’importe quel mouvement, dĂ©jĂ  une forme de nĂ©gativisme, phĂ©nomĂšne que l’on peut interprĂ©ter comme un effet dans le corps de la forclusion. Elle a eu quelques flirts Ă  l’adolescence, elle va mĂȘme ĂȘtre fiancĂ©e pendant un an, puis dĂ©cidant, brutalement, que ce fiancĂ© n’est pas le bon, au moment d’officialiser les choses, elle file, on pourrait dire Ă  l’anglaise, en embarquant pour l’Angleterre comme fille au pair. Est ce lĂ  un premier moment de dĂ©clenchement de sa psychose? C’est probable. Elle y rencontre, presque aussitĂŽt arrivĂ©e, son futur mari, Ă©cossais, Ă©tudiant aux Beaux Arts l’acuitĂ© de son regard sur les choses sera sans cesse mise en avant. La maniĂšre dont se dĂ©roule cette rencontre est essentielle Ă  repĂ©rer, puisqu’elle constitue une premiĂšre fixation Ă©rotomaniaque. Ils se rencontrent dans une bibliothĂšque, elle voit dans son regard qu’il a le coup de foudre pour elle, le dit love at first sight» et se laisse rapidement sĂ©duire pour se marier cinq mois plus tard. On Ă©tait nĂ©s Ă  quatre jours de diffĂ©rence, tous les deux capricorne, on Ă©tait fait pour la vie de bohĂšme, j’ai eu l’impression de trouver comme un jumeau, un double. Une relation Ă  la vie, Ă  la mort, on avait cette certitude que jamais rien ne pourrait nous sĂ©parer ». Cela souligne la capture imaginaire qui fait, avant tout, le ressort de l’amour psychotique, restant figĂ© sur l’axe a-a’. C’était pour elle aussi un pilier », mĂȘme signifiant qu’elle emploie pour sa mĂšre, autre point marquant le rĂŽle de ce mari comme prothĂšse imaginaire, venant sous la forme de l’amour localiser la jouissance de l’Autre. L’érotomanie, en restaurant une version sexuĂ©e de la jouissance, bien que version non Ɠdipienne, permet en effet une tempĂ©rance de cette jouissance insoutenable. Avec son mariage d’ailleurs, elle note que ses tics disparaissent, ils rĂ©apparaĂźtront temporairement au dĂ©cĂšs de son mari. L’étranger et l’éloignement de la langue maternelle ne sont pas pour rien dans cet Ă©quilibre trouvĂ© pour un temps, maniĂšre de limiter cette jouissance insoutenable de l’Autre maternel, que nous constatons frĂ©quemment comme motivation de dĂ©part pour un pays de langue Ă©trangĂšre, de langue non-maternelle. Nous pouvons prendre la mesure ici que l’érotomane est dans la certitude, certitude qu’il ou elle est un objet prĂ©cieux et unique aux yeux de l’autre, lĂ  oĂč l’hystĂ©rique ne cesse de s’interroger sur le Pourquoi me choisit-il moi? », Qu’est-ce qu’il me trouve de particulier? » ou En quoi suis-je diffĂ©rente des autres? ». LĂ  pas non plus beaucoup de doutes sur la rĂ©ciprocitĂ© des sentiments, elle en a la ferme conviction, quand la vie amoureuse ordinaire » nous fait renouveler sans cesse cette interrogation. Elle aura deux fils ; le premier souffre d’un retard mental en lien avec des complications obstĂ©tricales, associĂ© Ă  une psychose infantile ; le second, schizophrĂšne, a dĂ©compensĂ© au dĂ©cĂšs de son pĂšre. L’érotomanie, que nous qualifions ici de conjugale, n’est, en effet, pas restĂ©e sans consĂ©quence sur les enfants du couple. Ils vont vivre pendant treize ans en Écosse, une vie de bohĂšme » dit-elle. Mais elle prĂ©sente, suite Ă  un avortement, une symptomatologie dĂ©pressive, suivie de peu par son mari sur un mode mĂ©lancolique, ce qui dĂ©cide le couple Ă  rentrer en France, elle, recherchant ouvertement le retour auprĂšs du pilier» maternel. Elle prend alors un poste dans une administration comme secrĂ©taire, poste qu’elle continue d’occuper. Elle Ă©voque une vie parfaite avec son mari, nullement assombrie par les infidĂ©litĂ©s multiples et les crises de jalousie frĂ©quentes de son mari. Cet Ă©quilibre parfait » va cependant vaciller au dĂ©cĂšs de son mari, dans les suites d’un cancer. Elle va de nouveau connaĂźtre une phase de dĂ©pression, prise en charge par son mĂ©decin gĂ©nĂ©raliste avec un traitement antidĂ©presseur. Mais ce n’est pas le traitement qui va la sortir de sa dĂ©pression, sinon peut ĂȘtre en prĂ©cipitant quelque peu les Ă©vĂ©nements qui vont suivre. En effet, c’est la mĂȘme annĂ©e qu’arrive dans son administration, un jeune Ă©narque d’une trentaine d’annĂ©es elle a alors 49 ans qui va commencer Ă  avoir de drĂŽles d’intentions Ă  son Ă©gard. Il Ă©tait surnommĂ© le beau gosse ». Il Ă©tait entourĂ© d’une cour de filles, il aurait pu avoir un mannequin du 16Ăš arrondissement, alors pourquoi moi ? Il a commencĂ© Ă  jeter un regard incendiaire sur mes jambes puis sur mon ventre». Encore une fois, cette interrogation sur le Pourquoi moi?» n’était que pure rhĂ©torique dans la dialectique de sa conviction dĂ©lirante, radicalement opposĂ©e au Che vuoi?» de l’hystĂ©rique. Tout cela durera plusieurs annĂ©es, avec de nombreux petits signes qui viendront Ă©tayer progressivement ses premiĂšres certitudes. Deux ans aprĂšs son arrivĂ©e, un banal Ă©vĂšnement va dĂ©clencher, chez elle, le coup de foudre. Il lui propose en effet de l’aider, la voyant encombrĂ©e de tout son courrier. Quelques temps aprĂšs elle remarque qu’il reprend “ son jeu d’allumage avec ses regards langoureux et sensuels”. “Ça a commencĂ© Ă  m’exciter”, nous avoue-t-elle. En pleine phase d’espoir, de nouveaux signes viennent confirmer son intĂ©rĂȘt pour elle, elle se jette alors Ă  l’eau et lui envoie petits mots et mails d’abord anodins, puis dĂ©clarant de plus en plus sa flamme. Elle commence Ă  avoir des remarques de sa hiĂ©rarchie. Notre hiĂ©rarchie est trĂšs importante, notre relation n’était pas tolĂ©rable » dit-elle. Elle s’interroge alors sur les pressions que son objet a du subir pour ĂȘtre forcĂ© Ă  se plaindre d’elle. Cela ne l’arrĂȘte pas beaucoup si bien qu’aprĂšs un congĂ© pendant lequel elle lui a adressĂ© de nombreuses cartes postales Ă©voquant leur “amour contrariĂ©â€, si nous pouvons le rĂ©sumer ainsi, elle se voit convoquĂ©e par sa hiĂ©rarchie en prĂ©sence du beau jeune homme. Il se plaint de son harcĂšlement, un des deux doit donc quitter le site oĂč ils travaillent, ce sera elle. C’est Ă  ce moment-lĂ  que je commence Ă  la recevoir dans une phase de dĂ©pit, mais qui ne reste pas sans espoir. Il est mis en place un lĂ©ger traitement et un suivi rĂ©gulier qui va durer prĂšs de 7 ans, elle ne manquera aucun rendez-vous et pour cause. AprĂšs une premiĂšre phase oĂč elle Ă©voque beaucoup sa relation contrariĂ©e, relation qu’elle compare sans cesse Ă  celle qu’elle a connue avec son mari, elle prend un peu de distance sur sa situation, arrive Ă  en rire, Ă  se dire qu’elle a Ă©tĂ© idiote de tomber dans le panneau de ce sĂ©ducteur. Mon attitude alors fut de soutenir sa parole par une Ă©coute attentive de son histoire et de son dĂ©lire, de se faire le secrĂ©taire de l’aliĂ©né»2 comme le souligne Lacan reprenant l’expression de Falret, mais Ă©galement de l’aider Ă  considĂ©rer son expĂ©rience comme commune et non exceptionnelle, notamment vis Ă  vis de l’attitude de sa hiĂ©rarchie vĂ©cue de maniĂšre persĂ©cutive, maniĂšre de tempĂ©rer lĂ  aussi une jouissance insoutenable dont elle se sentait l’objet. Cette position, dĂ©licate Ă  tenir, tentait d’assurer un apaisement tout en Ă©vitant de prendre une place de grand Autre, par un discours trop mĂ©dical par exemple, qui serait devenue pour elle persĂ©cuteur. Cependant une relation transfĂ©rentielle Ă©rotomaniaque s’est instaurĂ©e avec son thĂ©rapeute, qui s’est principalement caractĂ©risĂ©e par deux choses certaines poses suggestives qu’elle adoptait lors des entretiens et la poignĂ©e de main Ă  son dĂ©part oĂč elle ne manquait pas de me caresser le creux de la main. Ce transfert fut inĂ©vitable, l’objet de l’érotomaniaque Ă©tant toujours l’homme d’un savoir, ma position de mĂ©decin ne pouvait que favoriser un tel transfert, et peut ĂȘtre sans y prendre garde avais je par quelque attitude bienveillante pu le favoriser autrement que par ma fonction. Un transfert Ă©rotomaniaque est chose assez banale dans la prise en charge au long cours des patients psychotiques, pour cette patiente, ce n’était que rĂ©pĂ©tition de sa solution dĂ©lirante. La reconnaissance de ce lien transfĂ©rentiel ne s’est pas Ă©tablie sans quelques inquiĂ©tudes, me traversait l’esprit ces descriptions clĂ©rambaldiennes d’érotomanes harcelantes ou meurtriĂšres. Cela ne semblait cependant pas ĂȘtre son cas. Identifiant ce lien transfĂ©rentiel, il s’agissait de le manier avec prudence. J’ai donc poursuivi en Ă©tant vigilant dans mes mots et mes gestes Ă  ne pas laisser trop de prise Ă  l’interprĂ©tation, Ă  ne pas alimenter en signes sa pente Ă©rotomaniaque ; je savais cependant les mots de ClĂ©rambault rapportant les propos d’une Ă©rotomane Son regard et sa voix ont toujours dĂ©menti ce qu’il me disait »3. Quoi que je dise, elle pouvait l’interprĂ©ter dans un sens qui venait appuyer sa conviction. Comment dĂ©s lors maintenir ce transfert sur un mode platonique et ne pas favoriser le glissement vers une Ă©rotomanie mortifiante»4 dans laquelle elle pouvait s’engouffrer? J’ai longuement Ă©coutĂ© ses plaintes autour de manifestations anxieuses ou somatiques multiples, de contrariĂ©tĂ©s au travail, de ses enfants et de sa difficultĂ© Ă  voir le bonheur des autres qu’elle sentait Ă©panouis sexuellement, alors qu’elle ne trouvait rien de ce cĂŽtĂ© lĂ . Il s’agissait bien pour elle de se faire l’objet de la jouissance de son mĂ©decin, en s’offrant elle, identifiĂ©e Ă  ses maux. Ses mots sur ses maux lui apparaissaient comme ce qui Ă©tait attendu d’elle par son mĂ©decin supposĂ© jouisseur. J’ai donc tenu cette place pendant prĂ©s d’une annĂ©e, constatant une certaine inertie dans son discours, puisqu’elle ne cherchait plus Ă  repĂ©rer les coordonnĂ©es de son parcours, ni Ă  s’interroger sur ses difficultĂ©s, mais simplement Ă  se faire don Ă  l’Autre. Il fut alors essentiel de ne pas ĂȘtre pris soi mĂȘme dans une forme de jouissance nĂ©vrotique. La demande, l’obsessionnel, on le sait, il n’attend que ça, il supplie qu’on lui demande dit Lacan{ref]Lacan, J. 2004. L’angoisse, 1962-1963, Seuil, Donc ne pas jouir de cette place oĂč nous met le sujet, mais aussi assumer une certaine constance dans le lien transfĂ©rentiel, ne pas vaciller et supporter les avatars de ce lien. Tout doucement, sur l’insistance de ses collĂšgues et avec mon soutien discret dans ce sens, elle a commencĂ© Ă  se mettre en quĂȘte d’un nouveau compagnon. Sorties au dancing avec ses amies, annonce de rencontre passĂ©e dans une revue consacrĂ©e aux chasseurs et enfin inscription sur Meetic, qui lui a permis de rencontrer un homme avec qui elle entretient une relation depuis. C’est un Japonais » me dit-elle, ça va faire hurler ma mĂšre!». Quelle jouissance se lisait sur son visage Ă  ce moment oĂč elle me l’annonça. Elle abandonna aussitĂŽt ses petits signes Ă  mon Ă©gard. Alors certes, c’est une relation un peu compliquĂ©e, mais qui semble cependant pleinement la satisfaire, un nouveau pilier » dit-elle encore. En effet, il apparait un peu bizarre, il est plus jeune qu’elle, a des TOC » plus qu’étranges, et a une passion pour les femmes mĂ»res » , si bien qu’il a une autre relation avec une femme tout aussi mĂ»re. Elle s’en accommode sans grande difficultĂ©, en se voyant comme la femme des sens », la femme bohĂšme », et l’autre, sa rivale, comme la femme de mĂ©nage », s’occupant des tĂąches ingrates. On voit ici la mĂ©connaissance systĂ©matique de l’autre femme comme modĂšle ou rivale, bien repĂ©rĂ©e dans la clinique classique de l’érotomanie, comme absence de jalousie. Depuis lors, ses manifestations anxieuses ont disparu, de mĂȘme que ses plaintes. Les entretiens se sont espacĂ©s, et son temps a Ă©tĂ© dĂ©sormais presque totalement consacrĂ© Ă  cette nouvelle passion. Plus signe de l’énarque, ni du thĂ©rapeute. Une Ă©volution et un parcours thĂ©rapeutique que n’aurait pas reniĂ©s Esquirol, lui qui proposait comme seul remĂšde Ă  l’érotomanie, le mariage Ă  son objet de fixation. Elle s’est, en effet, mariĂ©e au premier objet de son Ă©rotomanie. A sa disparition, elle trouve un nouvel objet avec cet Ă©narque, mais lĂ , son amour est contrariĂ©. Alors au moyen d’une fixation transitoire sur son thĂ©rapeute, elle est parvenue Ă  nouer une nouvelle relation, qui bien qu’un peu bancale, la soutient de nouveau. Cette solution Ă©rotomaniaque, solution autogĂšne de la psychose, dont on observe ici la vertu stabilisatrice, invoquĂ©e pour parer Ă  l’éminence d’un rapport mortifĂšre, le clinicien doit pouvoir y trouver un modĂšle de sa visĂ©e de thĂ©rapeute, soit l’instauration d’une fonction de limite de la jouissance, comme l’a si bien soulignĂ© Francoise Gorog dans son article sur l’érotomanie5. C’est, entre autres, une des visĂ©es de la crĂ©ation en mai 2011, Ă  son initiative, de l’Institut Hospitalier de Psychanalyse IHP Ă  l’HĂŽpital Sainte Anne, que de poursuivre une recherche et un enseignement en psychanalyse en dialogue avec d’autres disciplines et articulĂ©s Ă  la pratique clinique , l’IHP favorisant Ă©galement l’accĂšs Ă  tous au traitement psychanalytique. Bibliographie [1]Rabinovitch, S. 2007. La folie du transfert, Eres, [2] Lacan, J. 1981.Les psychoses, 1955-1956, Seuil, [3] Lacan, J. 1981.Les psychoses, 1955-1956, Seuil, [4] Gatian de ClĂ©rambault, G. 1998, ƒuvres psychiatriques, FrĂ©nĂ©sie. [5]Lacan J., 2001 PrĂ©sentation des MĂ©moires d’un nĂ©vropathe », 1966, Autres Écrits, Seuil, 213-217 [6] Lacan, J. 2004. L’angoisse, 1962-1963, Seuil, [7]Gorog, F. 1988. Histoire d’un concept l’érotomanie, Nervure-Journal de Psychiatrie4 Dr Luc Faucher Psychiatre et Psychanalyste Praticien Hospitalier Ă  l’Institut Hospitalier de Psychanalyse HĂŽpital Sainte Anne, Paris
. 203 276 472 37 180 439 439 465

c est quoi l amour en psychanalyse